L’actualité commentée

Juin 2016

Un État est concerné par les violences domestiques !

Le 30 juin 2016

En 2006, M.G., une femme turque, porte plainte contre son mari pour viol, torture, privation de liberté et blessures volontaires. Deux rapports médicaux attestent ces mauvais traitements. En 2007, un tribunal de la famille confirme ces violences et prononce le divorce. Pourtant, le procureur n’inculpera le mari qu’en février 2012. En 2014, un rapport d’enquête sociale précise que M.G. vit continuellement sous la menace et que sa sécurité pose toujours problème.

M.G. s’est adressée à la Cour européenne des droits de l’homme. Elle se plaint de ne pas avoir pu vivre paisiblement et en sécurité avec ses enfants puisqu’elle a continuellement été menacée par son (ex) mari, que la durée de la procédure à son encontre est excessive et inefficace et qu’elle n’a pas été protégée de très graves violences.

Un procureur passif

Dans l’arrêt du 22 mars 2016, la Cour européenne des droits de l’homme condamne la Turquie. Elle estime que celle-ci a violé l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cet article est très clair : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Qu’un État ait ratifié cette Convention ne suffit pas pour qu’elle soit appliquée !

Il faut aussi qu’il ait mis en place les moyens de garantir ces droits à tous ses concitoyens. Par exemple, il doit pouvoir juger et punir ceux qui sont coupables de torture ou de peines et traitements inhumains et dégradants. Or, bien qu’étant au courant de la situation de M.G. depuis 2006, l’État turc n’a pas réagi avant 2012. La Cour estime que « rien ne saurait expliquer la passivité du procureur de la République pendant une période aussi longue ».

Obligations positives et négatives

Traditionnellement, on considère qu’en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme, les États doivent respecter des obligations dites négatives c’est-à-dire celles qui consistent à « ne pas faire ». Par exemple, il leur est interdit d’empêcher une personne d’exprimer librement ses opinions puisque la Convention garantit la liberté d’expression.

Mais la Cour européenne des droits de l’homme, depuis assez longtemps, a développé une théorie originale : c’est celle des « obligations positives. Celle-ci signifie que les États doivent aussi être actifs pour que les droits soient effectivement garantis, et ce non seulement par ces États mais aussi par les particuliers entre eux. Ainsi, par cet arrêt du 22 mars 2016, la Cour européenne confirme qu’un État doit prévoir les moyens nécessaires pour que ces droits existent réellement et puissent être appliqués dans la vie de tous les jours.

La Cour européenne s’appuie aussi sur une autre Convention du Conseil de l’Europe, la convention « sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique », signée à Istanbul !

Égalité homme-femme

La Cour considère encore que l’article 14 de la Convention n’est pas non plus respecté. Cet article précise que les droits et libertés reconnus le sont pour tous les citoyens quels que soient leur sexe, leur langue, leur religion, leurs opinions, etc. Le fait de ne pas avoir protégé une femme contre la violence de son conjoint équivaut à violer le droit des femmes à une égale protection de la loi.

Par cet arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme met donc en évidence une responsabilité peu connue, celle des États en matière de violences domestiques. La Turquie, comme tous les États membres du Conseil de l’Europe, doit en tenir compte !

Sources : « Les violences domestiques : une affaire d’État » – Jérémie Van Meerbeeck – 6/06/2016 – (888)

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