L’actualité commentée

Janvier 2021

La justice sanctionne difficilement l’insalubrité des logements

Le 11 janvier 2021

Quand un propriétaire ne reçoit plus, depuis plusieurs mois, le loyer d’un logement… Quand un locataire vit dans un logement insalubre sans que le propriétaire agisse… L’un et l’autre peuvent s’adresser au juge de paix.

image @ PxHere

« Bailleurs welcome ! Locataires welcome ? »

Ainsi le Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat titre-t’il une étude récente concernant le recours à la justice de paix quand il y a « contentieux locatif ». Et ce titre affirme d’emblée le constat principal : propriétaires (bailleurs) et locataires ne sont pas sur pied d’égalité lorsqu’il s’agit d’accéder à la justice !
Quand un propriétaire s’adresse à la justice, c’est le plus souvent pour qu’elle oblige un locataire à payer les loyers et charges en retard. Souvent, il demande simultanément l’expulsion des habitants pour non-respect du contrat de bail.
Si un locataire s’adresse à la justice de paix, c’est généralement parce qu’il estime son logement insalubre, par exemple avec d’importants problème d’humidité et de condensation ou un manque de chauffage. On parle de « trouble de jouissance » lorsque le propriétaire ne garantit pas au locataire le confort nécessaire dans son habitation et ne lui permet pas de l’occuper sereinement.
L’étude constate clairement que, bien qu’il y ait de nombreux logements insalubres et que les associations travaillant en milieu précarisé connaissent des situations catastrophiques dont les locataires sont victimes et se plaignent… ce sont, en toute grande majorité, les propriétaires qui s’adressent au juge de paix. Les locataires sont à peine 7 % et cela, même s’ils ne sont pas satisfaits de l’état de leur logement ! Ils ne s’adressent pas à la justice parce qu’ils ne lui font pas confiance, même s’il s’agit de la « justice de proximité », parce qu’ils la considèrent comme étant toujours du côté du plus fort.

Le locataire a toujours plus à perdre…

… que le bailleur parce que son logement est en jeu : en agissant en justice contre un propriétaire, il peut risquer de perdre son logement. Si le juge considère que celui-ci est, effectivement, dangereux et donc qu’il doit être fermé, le locataire se retrouve à la rue. Ou bien les contacts avec le propriétaire sont devenus tellement mauvais qu’il lui faut partir, mais où retrouvera-t ’il une habitation ? Précisons que, même en cas de victoire, un locataire perd presque toujours son logement.
Pour un propriétaire, il est aisé de prouver des dettes locatives, des retards de paiement du loyer. Pour un locataire, il est nettement plus compliqué de prouver l’insalubrité : il faut se faire conseiller, multiplier des preuves écrites alors que l’écrit n’est peut-être pas familier, produire des rapports techniques, anticiper le relogement, etc. Rarement, le juge viendra constater lui-même l’état de ce logement.

La crainte de la justice

Les locataires, surtout les plus précaires, craignent la justice ; dans 50 % des cas, ils ne se présentent pas lorsqu’ils sont convoqués au tribunal. Et donc, le jugement est rendu en leur absence (on dit « par défaut »). Or, en l’absence du locataire à l’audience, la pratique est quasi-constante : en général, le juge « donne droit à la partie présente », donc au propriétaire, et, par exemple, décider d’une expulsion. Le locataire se retrouve alors à la rue, condamné à rembourser les arriérés de loyer mais aussi les frais de justice. Il peut encore être condamné à une indemnité à payer au propriétaire qui se retrouve sans locataire.

Mais pourquoi les locataires ne sont-ils pas présents ?

Certains courriers n’arrivent jamais à leurs destinataires parce qu’ils sont envoyés à une ancienne adresse, parce que, dans les immeubles, les boites aux lettres sont communes, parce que le courrier est déposé dans le hall d’entrée, parce qu’un propriétaire, présent dans l’immeuble, subtilise la convocation, etc.
Autre raison d’absence : le sentiment d’impuissance du locataire, qui ne croit pas pouvoir être entendu, qui craint la justice qu’il perçoit comme lui étant toujours défavorable.
Pourtant, quand les locataires sont présents à l’audience, ils ont la possibilité de négocier, donc d’éviter ou de retarder une expulsion, de, peut-être, payer leur dette par mensualité et d’échapper à l’indemnité. Et, tout simplement, ils peuvent aussi expliquer que le propriétaire a tort dans ses demandes lorsque c’est le cas.

Lorsqu’un logement est insalubre, le recours à la justice doit être possible pour rétablir le locataire dans son droit et l’indemniser. Ce n’est pas suffisamment le cas aujourd’hui, où un locataire a rarement gain de cause.

Commentaires

  1. La justice sanctionne difficilement l’insalubrité des logements

    12 janvier 2021

    Skoby

    Je comprends que la situation est difficile pour ces locataires d’immeuble insalubre.
    Mais il est clair que si l’affaire passe en Justice, ces locataires devraient être présents,
    s’ils ont envie d’avoir une chance d’obtenir certains droits.