L’actualité commentée

Mai 2021

La cyberhaine raciale est un délit

Le Tribunal correctionnel de Bruxelles vient de le confirmer

Le 21 mai 2021

En juin 2017, Cécile Djunga devient présentatrice météo à la RTBF. Immédiatement, insultes et messages racistes lui sont envoyés, adressés à la RTBF « Pas de miss météo noire avec nos impôts ! » ou postés sur les réseaux sociaux. La jeune femme n’y réagit pas mais ceux-ci continuent à affluer, haineux et parfois menaçants.

« Trop noire pour la télé »

En septembre 2018, une femme s’adresse à la RTBF pour se plaindre que Cécile Djunga est « trop noire pour passer à la télé ». La présentatrice n’en peut plus, elle craque et poste une vidéo sur les réseaux sociaux pour dénoncer le racisme qu’elle vit quotidiennement depuis qu’elle travaille à la télévision.
Arrivent alors des messages de soutien mais les propos haineux continuent et certains font froid dans le dos. Un seul exemple qui vaudra à son auteur d’être jugé par le Tribunal correctionnel de Bruxelles : « L’Afrique vous accueillera toujours à bras ouvert si la Belgique vous insupporte tant ! Si vous deviez subir une agression (espérons la mortelle) je ne dénoncerai pas votre agresseur, je le féliciterai bien bas ! ».
Différentes réactions s’enchainent dès ce moment : un dossier est ouvert par UNIA (service public indépendant de lutte contre la discrimination et de promotion de l’égalité des chances) et le Parquet ouvre une information judiciaire. Le 13 décembre 2018, la RTBF et Cécile Djunga déposent plainte contre X pour incitation à la discrimination, calomnie, diffamation, injures, harcèlement, harcèlement électronique, faux informatique et usage de faux ». Ils seront rejoints par UNIA. Cette plainte permet l’ouverture d’une instruction ; les messages pouvant être poursuivis, leurs auteurs sont identifiés.
Le 7 février 2019, Cécile Djunga dit se sentir rassurée et être contente d’avoir porté plainte car elle pense qu’il est important de le faire, à titre d’exemple.
L’enquête permettra d’identifier V.A., l’auteur du tweet cité plus haut et de nombreux autres messages. Il est poursuivi pour les propos tenus contre Cécile Djunga mais aussi pour d’autres publications à caractère raciste et antisémite. Il ne se présente pas lors d’une première audience. Lors d’une perquisition chez lui le 16 avril 2019, il est interpellé. Ses paroles confirment ses précédentes interventions ; il estime « avoir seulement exprimé son opinion personnelle, n’a aucun regret et pense même être plus virulent dans le futur.
Il ne s’est pas présenté au procès.

Condamnation

Pour le Tribunal correctionnel de Bruxelles, l’incitation à la discrimination et à la haine, en raison de préjugés racistes, ne fait aucun doute.
Le Tribunal se dit inquiet face à l’attitude d’un homme qui ne remet aucunement son comportement en question et estime qu’il a le droit de s’exprimer. En effet, V.A. déclare que les infractions qu’on lui reproche sont « son combat pour la liberté d’expression ». Le tribunal rappelle que la liberté d’expression est bien un droit fondamental mais que cette liberté n’est pas absolue et ne peut pas être utilisée pour diffuser des messages racistes, xénophobes, haineux ou discriminatoires, qui n’ont pas leur place dans une société démocratique.
Ce 13 avril 2021, V.A. est condamné à une peine d’emprisonnement de six mois (quinze jours ferme et le reste avec sursis). Le sursis est possible parce que V.A. n’a pas d’antécédents judiciaires mais il est partiel « au vu de l’absence de toute remise en question dans le chef du prévenu qui doit se rendre compte de ce qu’il risque s’il continue à agir comme il l’a fait, notamment, en incitant d’autres que lui à la haine et à la violence ou en diffusant des idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale ».
V.A. est également condamné à une amende de 1.600 euros.
Enfin, il est condamné à payer 500 euros de dommages et intérêts à Cécile Djunga et à UNIA. Il est aussi condamné aux dépens

En Belgique

En 2020, UNIA a reçu 3.684 signalements pour racisme, soit 49 % de plus qu’en 2019. UNIA a ouvert 956 dossiers, dont près d’un quart pour propos tenus sur des réseaux sociaux.

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