L’actualité commentée

Octobre 2018

Porter le voile au palais de justice ? Oui, parfois…

Le 5 octobre 2018

Le frère de Madame Lachiri ayant été tué, celle-ci était partie civile lors du procès du prévenu. En 2007, il avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel « pour coups et blessures volontaires prémédités ayant entrainé la mort sans intention de la donner ».

Estimant que les faits jugés devaient être considérés comme un meurtre et donc que l’inculpé devait être jugé par une cour d’assises, Madame Lachiri et d’autres membres de sa famille ont interjeté appel.

Une très longue histoire…

La chambre des mises en accusation devait alors décider s’il s’agissait ou non d’un meurtre et envoyer ou non l’inculpé devant la cour d’assises. Avant l’audience, la juge a signalé à Madame Lachiri qu’elle devait ôter son foulard (en fait un « hijab » ou foulard couvrant les cheveux et la nuque mais pas le visage) pour pouvoir entrer dans la salle. Cette dame a refusé et n’a pas pu participer à l’audience.
Pas d’accord avec cette obligation d’ôter son foulard, Madame Lachiri a contesté cette décision et adressé un pourvoi à la Cour de cassation. Celle-ci lui a donné tort.
Ayant épuisé les recours possibles en Belgique, Madame Lachiri s’est ensuite adressée à la Cour européenne des droits de l’Homme, à Strasbourg. Elle estimait que les tribunaux belges n’avaient pas respecté sa liberté d’exprimer sa religion.
Sa requête est arrivée à la Cour européenne des droits de l’Homme le 24 décembre 2008.

Le 18 septembre 2018, sept juges, dont Paul Lemmens - le juge belge qui siège nécessairement aux audiences concernant une affaire belge - ont rendu leur arrêt.

La Cour constate

D’une part, selon l’article 759 du code judiciaire belge, toute personne doit se présenter tête nue dans la salle d’audience d’un tribunal. Cette exigence existe pour prévenir des comportements irrespectueux ou perturbateurs vis-à-vis du bon déroulement d’une audience. Le juge belge a appliqué cette règle.
D’autre part, pour la Cour européenne des droits de l’Homme, le port du hijab peut être compris comme « un acte motivé ou inspiré par une religion ou une conviction religieuse ». L’interdiction faite à Madame Lachiri d’entrer dans la salle d’audience parce qu’elle refusait d’ôter son foulard, pouvait donc être considérée comme une « restriction » de son droit à manifester sa religion. Ce droit est affirmé par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Le rôle de la Cour est de contrôler si, tel qu’appliqué ici par les juridictions belges, l’article 759 du code judiciaire belge respecte bien l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

La Cour argumente

Le hijab, fait tout d’abord remarquer la Cour, est un couvre-chef et ne dissimule pas le visage.
Ensuite, Madame Lachiri est une simple citoyenne. Si un représentant de l’État, qui doit apparaître neutre vis-à-vis du public, est tenu à ne pas manifester ses convictions religieuses, ce n’est pas le cas de cette dame.
Il est exact que, comme une école, un tribunal est un établissement public. Dans ceux-ci, « le respect de la neutralité à l’égard des croyances peut primer sur le libre exercice du droit de manifester sa religion ». Mais Madame Lachiri n’avait aucune obligation de respecter la neutralité de l’espace public.
Pour la Cour, le but de l’interdiction faite à Madame Lachiri de conserver son hijab était donc bien le maintien de l’ordre. Or, « la façon dont Madame Lachiri s’est comportée lors de son entrée en salle d’audience n’était pas irrespectueuse ou ne constituait pas ou ne risquait pas de constituer une menace pour le bon déroulement de l’audience ». Donc, dit la Cour, l’interdiction faite à Madame Lachiri d’entrer en salle d’audience avec son hijab n’avait pas lieu d’être. Par contre, cette interdiction a porté atteinte à son droit de manifester sa religion.
La Cour donne donc raison à Madame Lachiri contre la Belgique et les tribunaux belges devront en tenir compte à l’avenir pour des affaires analogues.
La Cour, par six voix contre une, décide que la Belgique doit verser 1.000 euros à Madame Lachiri pour dommage moral.

Source : Communiqué de presse – 18/09/2018 – Cour européenne des droits de l’Homme.

Commentaires

  1. Porter le voile au palais de justice ? Oui, parfois…

    21 décembre 2021

    valerie

    en France ,il y a eu une scission entre l état et la religion 1905 ( il y a des exceptions) mais aussi entre l école et la religion ( Jules ferry ) .en Belgique ,on donne cours à des musulmans dans des classes remplies de croix et d images religieuses,certaines écoles ont une chapelle et chaque matin,les musulmans sont obligés de s y rendre .les écoles publiques étant pour la plupart catholique ..je pense que l on manque de respect chaque jour à ces enfants ,juifs,musulmans ..elle n a pas pu assister au procès de son frère battu à mort à cause de son voile .les écoles doivent être laïques et puis on peut reparler du voile ..dans ce pays où le Roi a dû abdiquer un jour pour faire passer la loi qui rend l avortement légal ...porter le voile au palais de justice ? Devoir dire que dieu existe pour avoir mon année ?

  2. Porter le voile au palais de justice ? Oui, parfois…

    7 octobre 2018

    André MUTATE

    Je trouve l’arrêt de la Cour européenne légèrement....léger.
    La possibilité qu’ont les gens de manifester, aussi dans l’espace public, leur religion doit également être comprise que rien n’est au-dessus d’eux que la religion. Leur religion de plus.....Donc pas celle du voisin.

    Pourtant nous sommes ici en un lieu neutre : un tribunal !

    Or, dans l’esprit de la présence d’un tribunal, le seul fait que le tribunal existe, vient du fait qu’il a été mis en place par un Parlement(!) qui est l’autorité supérieur d’une nation. Mais pas à l’égard des religieux ! Pour les religieux, le sommet de la connaissance et envers lequel ils doivent le respect n’est pas le Parlement mais bien un Dieu quelconque....
    Dans un tribunal, la justice est rendue au nom des citoyens et non pas au nom d’un Dieu quelconque se trouvant en un lieu quelconque et ayant la faculté d’envoyer son fils marcher sur l’eau....ou de faire un jeune de quarante jour dans le désert le plus chaud qu’il soit donné de rencontrer sur terre....

    Donc, la Cour de Justice européenne reconnaît la primauté du dieu de cette dame CONTRE la neutralité d’un tribunal créé par le citoyen et en son nom !
    On croit rêver !!
    Pire, la Cour européenne de Justice prévaut le droit de cette dame à manifester publiquement à quelle religion elle appartient à l’encontre de la neutralité du tribunal civil !
    Finalement, il ressort de ce qui précède que cette dame, soumise à la Charia, soumet le tribunal civil...à SA religion !!!

    Où vivons-nous ????

    La Révolution de 1789 en France, n’a-t-elle pas fait disparaître les privilèges liés à la religion ? Pourquoi dans ce cas devons-nous sous soumettre à une religion venue d’ailleurs ???

    Finalement, pourquoi sont morts les révoltés ?