L’actualité commentée

Octobre 2021

Un délit de presse à la Cour d’assises

Le 21 octobre 2021

Sur Facebook et d’autres réseaux sociaux, Monsieur X a incité à la haine et à la violence envers les femmes, il les a menacées d’un attentat. Accusé d’un délit de presse, il vient d’être jugé par la Cour d’assise de Liège. Une première en Belgique ! Voici pourquoi.

Photo @ PxHere

La liberté de presse : oui mais…

Dans notre pays, tout le monde peut dire ce qu’il pense, c’est un droit ! La liberté d’expression est reconnue à tous les citoyens. De la même manière, tout le monde peut écrire ce qu’il pense puisque la liberté de la presse fait partie de la liberté d’expression.
Cela ne signifie pourtant pas que tout est permis. Une personne qui appelle, par exemple, à persécuter les migrants ou à rejeter les Africains commet un délit. Un avis de ce genre, lorsqu’il est écrit et publié dans un journal ou sur le web, est une faute, un délit alors appelé délit de presse.
Parce que poursuivre et sanctionner des faits de ce genre concerne la liberté de la presse, la Constitution belge prévoit qu’ils soient jugés par un jury populaire et donc une Cour d’assises : l’importance accordée par la Constitution à la liberté de la presse explique la protection spéciale dont elle bénéficie et le fait que d’éventuelles poursuites soient confiées à un jury de citoyens tirés au sort dans la population. Mais une importante exception existe, depuis 1999, pour les écrits racistes et xénophobes, qui sont alors jugés par le tribunal correctionnel.

D’autres écrits/délits

D’autres délits de presse ni racistes ni xénophobes peuvent aussi appeler à la haine, celle des homosexuels, des musulmans, des femmes, de telle ou telle catégorie de personnes, en fonction de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leurs pratiques religieuses, etc.
Ces délits de presse doivent être jugés par une Cour d’assises.
En réalité, même si les discours haineux se multiplient sur les réseaux sociaux, ils ne sont actuellement pas punis parce qu’il est impossible de mettre sur pied une cours d’assises pour les juger. En effet, une cours d’assise est compliquée à organiser, coute cher, demande l’organisation d’un jury, du temps… Elle est donc réservée aux crimes, c’est-à-dire, en principe, aux infractions punies d’au moins cinq ans de prison et les délits de presse ne sont généralement pas jugés. De nombreuses personnes continuent donc à inciter à la haine sans être punies.

Un procès exceptionnel

À propos des délits de Monsieur X., la Chambre du conseil, puis la Chambre des mises en accusation de Liège, ont décidé qu’il fallait appliquer la Constitution. Elles ont donc renvoyé Monsieur X devant le jury populaire de la Cour d’assises.
Il vient d’être condamné à douze mois de prison, avec un sursis probatoire de deux ans. Cela veut dire que, tant qu’il ne commet pas à nouveau une infraction d’une certaine gravité, il ne doit pas exécuter sa peine et, parallèlement, il est accompagné pour l’aider à ne pas recommencer à commettre des infractions.

Changer la Constitution

Pour que les délits de presse appelant à la haine puissent enfin être jugés, ils devraient pouvoir dépendre du tribunal correctionnel, comme ceux qui concernent le racisme et la xénophobie. Pour cela, la Constitution belge doit être modifiée.
C’est sans doute pour inciter les responsables politiques à cette modification que les juges ont renvoyé Monsieur X devant la Cour d’assises. Ils ont vraisemblablement estimé qu’il était impossible de continuer à ne pas punir les auteurs de propos haineux.
Il convient toutefois d’observer que d’autres personnes continuent à attacher de l’importance à ce que ce soit la population, représentée par le jury au sein de la Cour d’assises, qui juge les délits de presse, comme d’ailleurs les délits politiques, c’est-à-dire les infractions inspirés par un mobile politique.

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