Les rouages de la justice

La procédure pénale

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Acquitté après une détention préventive. Et puis ?

Le 19 juin 2017

En mars 2016, Karim Ahalouch a été arrêté et placé en détention préventive. Il est soupçonné de participation aux activités d’un groupe terroriste.
Le 10 décembre 2016, Karim Ahalouch a été acquitté. On peut donc dire qu’il a, injustement, passé neuf mois en prison puisqu’il était innocent. Il demande alors réparation du préjudice subi à l’État belge.

En termes juridiques, on dira qu’il introduit un recours contre l’État belge pour obtenir une indemnisation des jours de détention préventive subis avant son acquittement.

Une détention laisse des traces

Rappelons d’abord que plusieurs raisons permettent à un juge d’instruction de délivrer un mandat d'arrêt, c’est-à-dire d’arrêter et d’emprisonner une personne avant son jugement : il s’agit de protéger la population, d’éviter que cette personne quitte la Belgique ou encore que des preuves disparaissent. Précisons que, lors d’une détention préventive, tout détenu est toujours présumé innocent.
Parfois, comme c’est le cas de Karim Ahalouch, une personne privée préventivement de liberté est effectivement innocente et finalement acquittée lorsqu’elle est effectivement jugée. Son emprisonnement lui a évidemment fait du tort : elle a été considérée comme probablement coupable par le public, elle a sans doute perdu son emploi, elle a été coupée de ses proches, elle a vécu des mois d’autant plus difficiles qu’elle ne les méritait pas…
Elle peut demander réparation de l’erreur subie et des dommages, moraux comme matériels, qu’elle a provoqués.

Deux conditions, trois hypothèses

Dans le cas de Karim Ahalouch, donc d’une détention légale au départ mais non justifiée à l’issue du procès, la loi parle de « détention inopérante ».
Pour pouvoir demander une indemnisation après une détention inopérante, deux conditions doivent être respectées :
1° la détention doit avoir duré plus de huit jours ;
2° le placement ou le maintien de la détention ne doit pas être une conséquence du comportement de la personne.
Si ces deux conditions sont respectées, l’indemnisation peut être demandée dans trois hypothèses :
1° un acquittement par une juridiction de fond, sans plus de possibilité d’appel ;
2° un non-lieu prononcé par une juridiction d’instruction, c’est-à-dire la chambre du conseil ou la chambre des mises en accusation. En effet, lorsque le juge d’instruction a terminé son travail, ces chambres peuvent constater qu’il n’y a pas d’éléments suffisants pour continuer à poursuivre le détenu ;
3° les infractions ayant provoqué la détention préventive sont prescrites, c’est-à-dire qu’elles ne peuvent plus être jugées. On dit alors que « l’action publique » est éteinte.

Quelle indemnité ?

La demande d’indemnisation doit être adressée par écrit au SPF Justice.
Celui-ci fixe le montant de cette indemnité. Il tient compte de circonstances liées à la personne détenue (comme sa profession, sa situation de famille, les effets psychologiques de son incarcération, etc.) et d’autres circonstances concernant l’état des finances publiques, la nécessité de l’instruction, le fonctionnement de la justice, etc. Cette indemnisation ne prétend pas réparer totalement le préjudice subi.
En cas de désaccord avec l’indemnisation obtenue ou d’absence de réponse du SPF Justice dans le délai fixé par la loi, un recours peut être introduit auprès d’une commission spécifique.

Si la détention est illégale ?

Une détention peut aussi être illégale lorsqu’elle ne respecte pas les règles la concernant. C’est le cas lorsqu’une personne est maintenue en détention plus longtemps que ce que la loi prévoit ou lorsqu’un juge d’instruction a commis une erreur dans l’application de la loi.
Le détenu peut alors demander réparation du préjudice subi à l’État belge, en s’adressant au tribunal de première instance.

Tout tort, tout préjudice, tout dommage mérite donc réparation.

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