Les rouages de la justice

Vivre sa peine hors prison

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Quelle aide pour un ex-détenu en libération conditionnelle ?

Le 5 janvier 2016

Après quatre années de prison, Mathieu a obtenu une libération conditionnelle. Parmi les conditions à respecter, il doit maintenant répondre aux convocations d’un assistant de justice. Mais comment cela va-t-il se passer ?

En fait, dès la décision de libération conditionnelle par le tribunal de l’application des peines, la guidance d’un ex-détenu commence par une première rencontre avec l’assistant de justice, à la maison de justice.
« Notre objectif, explique l’assistante de justice que nous avons interrogée au sujet de ce travail, est d’arriver à éviter la récidive et donc le retour en prison. » Et elle continue en formulant elle-même questions et réponses : « De quels moyens disposons-nous pour y arriver ? L’un d’eux est, en tous cas, la réinsertion sociale. Comment y travailler avec les personnes concernées ? Notre unique outil, c’est la relation que nous créons avec elles et pour pouvoir assumer notre double rôle – aider, épauler mais aussi contrôler – ce doit être une relation de confiance ! ».
Cet article aborde ce premier rôle : guider, épauler, aider… Un autre article traite du second rôle : contrôler.

Comment ça se passe ?

L’assistante dispose du dossier de la personne et connait les conditions de sa libération. Elle peut avoir effectué des enquêtes dans le milieu d’accueil et connaitre le regard que celui-ci porte sur le détenu.
Dès ce premier contact, précise l’assistante de justice, « nous posons le cadre de notre intervention : en effet, la personne a signé un PV de libération mais elle était tellement dans l’euphorie de sortir de prison qu’elle a généralement signé sans lire ni écouter ! Or, les conditions de la libération sont les moyens imposés par le tribunal de l’application des peines. Ces moyens doivent pouvoir aider l’ex détenu à se réinsérer dans la société. À nous à veiller à leur observation d’une manière respectueuse de la personne, qu’elle n’ait pas l’impression que nous cherchons la moindre faille pour la remettre en prison.
Donc nous lisons la décision avec elle, les conditions, nous précisons notre rôle, la durée de guidance… Et nous revenons sur ce qui s’est passé dans sa vie qui a fait qu’elle est devant nous aujourd’hui, donc nous réabordons les faits. »

Mais vous avez le dossier, vous les connaissez ?

« Oui, mais c’est une vérité judiciaire donc limitée, relative. Nous ne savons pas comment se situait la personne au moment des faits, ce qui a fait qu’elle est passée à l’acte, quels étaient son contexte de vie, son état d’esprit. Nous constatons un décalage réel entre la vérité judiciaire et la perception, le vécu de l’ex détenu. Parfois il dit : ‘Je suis condamné mais je n’ai rien fait’. Ou ‘Je ne suis pas ce qu’on dit de moi’. Nous, pour éviter la récidive, nous devons pouvoir repérer, dans la nouvelle vie de cette personne, à quel moment elle se remet en danger, dans des conditions où un passage à l’acte pourrait revenir. C’est pourquoi nous ne remettons pas en question la vérité judiciaire mais nous allons chercher le vécu. Nous ne refaisons pas un nouveau procès mais nous avons besoin de ces données dans le cadre de notre relation. Nos interlocuteurs n’ont pas le choix de participer ou non au travail, donc nous devons susciter leur collaboration. Il faut qu’ils puissent comprendre dans quel système ils sont et se réapproprier leur histoire : ‘qu’est-ce qui fait que j’ai commis ces faits ? Qu’est-ce qui m’a amené là ? Comment pourrais-je régir autrement si je me retrouvais dans les mêmes conditions ?...’. Nous devons les responsabiliser. »

Ce travail n’a pas été fait en prison ?

« Parfois, oui, cela dépend de la chance qu’ils ont, si le service psychosocial était moins surchargé… Mais celui-ci a un travail d’expertise, on lui demande des rapports, des tests psychologiques. En prison, l’aide est surtout le fait de services extérieurs, d’asbl d’aide aux détenus. Celles-ci interviennent en fonction de la demande de détenus qui peuvent ou non y faire appel. Et les injustices en prison sont les mêmes que dans la société, exposant par je ne sais pas combien ! Les personnes plus cultivées vont se décarcasser pour recevoir de l’aide et d’autres vont rester dans le fond de leur cellule ; on ne les en sortira que parce qu’elles sont proches de la libération conditionnelle. »

Concrètement, que faites-vous ?

« Le b a ba , quand on commence une guidance, c’est que la personne bénéficie de rentrées financières donc, par exemple, nous veillons à ce que son dossier au chômage ou au CPAS soit en ordre. Si ce n’est pas le cas, s’il y a des difficultés, nous voyons comment être utile à la personne. Si elle doit donner un coup de fil, nous pouvons lui prêter un téléphone parce qu’elle n’a pas d’argent pour une carte GSM. L’aide peut être très concrète ! Attention, nous faisons toutes nos démarches avec la participation de la personne ! Par exemple, après en avoir parlé avec elle, nous pouvons contacter un CPAS pour savoir où coince un dossier…
Autre exemple : une personne s’est inscrite, comme prévu, dans une formation. Après deux jours, des huissiers viennent frapper à sa porte pour réclamer un paiement de dettes. Acculé, l’ex-détenu se dit que la formation ne lui permettra pas d’avoir des rentrées financières donc il l’abandonne et cherche un travail. Et c’est déjà une remise en question du plan d’insertion quelque peu boycotté par des éléments externes !
Ensuite, le logement, théoriquement prévu dans leplan de reclassement mais il y a plein d’aléas dans la vie ! Les détenus sortent avec une adresse mais la maison d’accueil prévue peut ne pas convenir, une dispute peut survenir avec une petite amie… Le plan a été fait en laboratoire, il ne peut être expérimenté qu’une fois en libération conditionnelle ! Et les choses vont ou non tenir la route. »

Et si les conditions ne sont pas respectées ?

« Ces personnes doivent nous appeler ! Nous sommes disponibles et si elles ne nous appellent pas, c’est nous qui le faisons ! En difficulté, ces ex détenus sont paniqués, ils pensent que leur conditionnelle ‘va sauter’. Nous cherchons à comprendre avec eux ce qui s’est passé, à trouver, toujours avec eux, d’autres possibilités d’hébergement… Nous cherchons à les responsabiliser parce que la prison les a déresponsabilisés avec une prise en charge de tous les instants. Quand ils se retrouvent à l’extérieur après une longue détention, toutes ces démarches peuvent être très lourdes. »

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