L’actualité commentée

Décembre 2018

La Justice d’un pays n’est pas celle de l’autre : aux USA, on peut être à la fois coupable et innocent

Le 20 décembre 2018

Jugé innocent devant un tribunal, un citoyen de l’État de New York peut pourtant être jugé coupable devant un autre tribunal ! Difficile à comprendre pour nous !

Mots-clés associés à cet article : Preuve , Preuve pénale , Preuve civile , Jury , Procès civil , Procès pénal , États-Unis , USA

Illustration @ Le Temps

En Belgique, cela serait tout simplement impossible comme nous l’expliquons dans un autre article de Questions-justice, « La Justice ‘civile’ et la Justice ‘pénale’ : quelle différence ? ». En effet, le juge civil qui intervient après un procès pénal, ne peut pas avoir un avis différent de celui du juge pénal. En langage de la justice, on parle de « l’autorité de la chose jugée ».

Deux exemples

Devant un tribunal pénal des États-Unis, le footballeur américain O.J. Simpson a été acquitté du meurtre de son ex-femme et de son compagnon. Ensuite, devant un tribunal civil, il a été condamné à indemniser les parents des deux victimes du meurtre.
Dominique Strauss Kahn (plus souvent appelé DSK), après avoir été inculpé du viol de Madame Diallo, n’a finalement pas été jugé : le procureur de New York a renoncé à le poursuivre. Pourtant, l’avocat de Madame Diallo a négocié un accord d’indemnisation avec celui de DSK. S’il y a possibilité d’une indemnisation de la victime, c’est bien parce qu’il y a aussi culpabilité du suspect. Alors, comment comprendre ?
Précisons qu’en réalité, ce n’est pas un tribunal civil qui a jugé de cette indemnisation. Aux États-Unis en effet, les affaires judiciaires sont, dans plus de 90 % des cas, résolues par des discussions et négociations entre avocats pour arriver à un accord. On parle alors de « transactions ». C’est une autre différence avec les procédures en Belgique, où les avocats peuvent aussi négocier, mais où cela arrive moins fréquemment.
O.J. Simpson et DSK seraient donc à la fois innocents et coupables ! Comment est-ce possible ?

Différences États-Unis/Belgique

Tout d’abord, aux États-Unis, les procédures pénales et civiles sont indépendantes l’une de l’autre. « L’autorité de la chose jugée » n’existe pas.
Ensuite, la victime n’est jamais « partie au procès pénal ». Cela signifie qu’elle n’est qu’un témoin et donc qu’elle ne peut pas demander réparation des torts subis devant un juge pénal. Elle doit s’adresser à un tribunal civil. En Belgique, cela se passe autrement : une victime peut se constituer partie civile devant un juge pénal. Si le suspect est condamné, ce juge pénal peut ensuite condamner le suspect à indemniser la victime, souvent d’ailleurs dans le même jugement.
D’autre part enfin, aux États-Unis toujours, la manière de tenir compte des preuves est différente dans un tribunal pénal ou dans un tribunal civil :

  • quand il s’agit du pénal, le procureur doit apporter des preuves qui vont convaincre le jury de condamner le suspect « au-delà de tout doute raisonnable » ;
  • au civil, le jury agit différemment : il compare les preuves de la culpabilité du suspect à celles de son innocence. Il les met en balance et peut donc arriver à une conclusion différente du tribunal pénal.

Ainsi, dans l’affaire O.J. Simpson, le procureur ne dit pas que le meurtre a ou n’a pas eu lieu. Il estime qu’il n’a pas en main les preuves suffisantes pour convaincre les membres du jury de manière unanime et « au-delà de tout doute raisonnable ». Par contre, le jury civil estime, lui, que la balance penche du côté des preuves de la culpabilité du suspect.
On le constate : les règles de procédure sont différentes entre les États-Unis et la Belgique et les autres pays européens. Ces différences expliquent ce qui, à première vue, nous semble impossible ou invraisemblable.

Commentaires

  1. La Justice d’un pays n’est pas celle de l’autre : aux USA, on peut être à la fois coupable et innocent

    25 décembre 2018

    Roland MAURY

    En Belgique aussi on peut être jugé coupable en correctionnelle et non coupable en appel. (un tué). Mon cas : Organisateur d’une épreuve sportive sur route, j’ai été dans un premier temps convoqué comme témoin et je suis sorti de l’audiance comme responsable condamné à 6.000 FR (1985) d’amende ou un mois de prison. En appel j’ai été acquitté. La différence : en correctionnelle, la juge à admis toutes les déclarations du chauffeur de la voiture tamponeuse qui a déclaré que la caravane dans laquelle il est rentré, n’était pas écllairée. Il n’y a jamais eu d’instruction, de reconstitution et je n’ai jamais été interrogé. En appel, le juge à fait dire au chauffeur concerné qu’il n’avait pas vu la caravane. A partir de cette déclaration, il ne savait plus dire qu’elle n’était pas éclairée.
    Si cela vous intéresse, je peux vous donner plus de détails de cette affaire qui a duré 10 ans.
    Roland MAURY

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