L’actualité commentée

Août 2018

Pour un langage judiciaire plus accessible

Le 16 août 2018

« Monsieur, vous êtes prévenu d’avoir à …, le …, frauduleusement soustrait le bien d’autrui, c’est-à-dire en l’espèce un véhicule de marque … au préjudice de … et en étant en état de récidive légale. Reconnaissez-vous cette prévention ? » Ainsi un procureur du Roi s’adresse-t-il à un suspect. En langage de tous les jours, on pourrait plus simplement dire : « Monsieur, vous êtes suspecté du vol de la voiture de X et ce n’est pas votre premier vol de voiture. Êtes-vous d’accord ? »

Ces premières lignes sont un petit exemple du langage utilisé par les professionnels de la justice. Cette manière peu compréhensible de s’adresser au public s’ajoute à d’autres raisons - un cout à payer, de longs délais, des procédures à connaitre… - pour expliquer combien l’accès à la justice peut être compliqué. Dans les faits, s’adresser à elle lorsqu’on en a besoin n’est ni simple ni évident. Il est tout aussi compliqué de la comprendre lorsqu’elle s’adresse à ceux qu’elle entend ou juge lors des audiences et procès.

Pas de confiance sans compréhension

Dans un pays démocratique, la justice doit être accessible à tous les citoyens. Pourtant, nombre de citoyens ne comprennent ni ce qui leur est dit ou demandé ni la décision prise à leur sujet par les professionnels de la justice. Ils ont aussi le sentiment de ne pas être compris par les professionnels de la justice. En Belgique, en 2014, selon le baromètre de la justice – une étude régulière du Conseil supérieur de la justice - 61 % des citoyens faisaient confiance à la justice tandis que 81 % et 91 % d’entre eux faisaient confiance à la police et à l’enseignement. Une raison de ce résultat inférieur serait le manque de clarté du langage judiciaire. En 2016, selon une autre étude, 86 % des citoyens estimaient le langage judiciaire insuffisamment clair. Ils étaient rejoints par 68,8 % des avocats et juristes d’entreprise et par 66,5 % des magistrats.
Conscient de cet important problème, le Conseil supérieur de la justice vient de diffuser un plan baptisé « Épices » Celui-ci devrait aider les professionnels à améliorer leur langage lorsqu’ils s’adressent aux citoyens.

Qui comprend quoi ?

Toutes les professions ont leur vocabulaire, leur « jargon ». Mais la justice n’est pas un secteur professionnel comme les autres. C’est un pilier d’un état démocratique. C’est aussi un service public qui doit donc être accessible à tous et pour cela, notamment, utiliser un langage clair et compréhensible.
À l’évidence, ce qui est clair et compréhensible pour une personne ne l’est pas toujours pour une autre. Cela implique que, pour toute communication, son émetteur doive tenir compte de la personne à laquelle il s’adresse et donc, de son « niveau linguistique ».
Des études scientifiques ont mis en évidence qu’il existe différents niveaux d’utilisation d’une langue, de son vocabulaire, de ses structures, différents « niveaux linguistiques ». La plupart des professionnels du droit utilisent le niveau linguistique le plus élevé alors que celui-ci n’est compris que par 5 % de la population. Autrement dit, il est inaccessible pour 95 % de celle-ci. Par contre, un autre niveau est accessible à 80 % des citoyens. C’est celui qui, en gros, correspond aux élèves du premier degré de l’enseignement secondaire. C’est aussi celui qu’un demandeur de la nationalité française doit atteindre, à l‘oral, pour obtenir celle-ci.
Les professionnels du droit, dit le Conseil supérieur de la justice, doivent au moins tenter d’adapter leur communication à ces 80 %. Et quand, malgré tout, ce niveau reste trop élevé pour certaines personnes, c’est au professionnel à s’adapter à la capacité de compréhension de son vis-à-vis.
En conclusion, on peut dire que ce ne sont pas les citoyens, en général, qui ne comprennent pas le langage des juristes mais bien les professionnels de la justice qui n’utilisent pas le langage de tout le monde. C’est donc à eux de « travailler sur mesure ».

Des recommandations

Le Conseil supérieur de la justice propose différentes recommandations aux professionnels du droit : rédaction de textes de loi plus lisibles, formation des étudiants en droit à l’utilisation d’un langage plus clair, conscientisation de tous les acteurs à l’utilisation d’un langage clair y compris le personnel d’accueil, du greffe, les secrétaires de parquet, les informaticiens…
De leur côté, les sites www.questions-justice et www.justice-en-ligne travaillent à ce même objectif : informer encore et toujours pour aider à mieux comprendre le fonctionnement de la justice, ses acteurs et ses procédures.

Commentaires

  1. Pour un langage judiciaire plus accessible

    21 août 2018

    GeorgesOE

    « La plupart des professionnels du droit utilisent le niveau linguistique le plus élevé alors que celui-ci n’est compris que par 5 % de la population. ». Outre qu’elle révèle une haute estime toute corporatiste de la « profession » par son auteur, cette assertion était probablement vrai il y a vingt ans, mais je peux vous assurer qu’à notre époque informatisée ou le copier-coller est devenu l’intelligence de « la pluspart des professionnels » elle n’a plus aucun sens.

    D’autre part, abaisser le niveau de la Justice au niveau de celui de notre enseignement, n’augure rien de bon pour notre société.

  2. Pour un langage judiciaire plus accessible

    15 décembre 2018

    De Smet Filip

    Je suis désolé de devoir répondre
    à Monsieur GEORGESOE que la plupart des articles de lois du
    Code civil et judiciaire sont
    partiellement ou totalement
    incompréhensibles pour moi
    qui ai pourtant fait des études
    supérieures !
    Filip De Smet

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