L’actualité commentée

Mars 2018

Mendier n’est pas une infraction !

Le 7 mars 2018

Depuis 2014, le Conseil communal de Namur a pris plusieurs règlements anti-mendicité qui interdisent aux mendiants de mendier en ville. Le premier devait être appliqué un an, à titre d’expérimentation. Le dernier date du 14 décembre dernier.

Mots-clés associés à cet article : Police , Mendicité , Propreté , Salubrité , Sécurité , Tranquillité

Suite aux règlements anti-mendicité déjà en vigueur dans différentes villes, notamment Liège et Charleroi, les mendiants seraient de plus en plus nombreux à Namur.
Des commerçants et des passants se plaignent et disent ressentir un sentiment d’insécurité. Le rôle de la ville est de gérer le vivre-ensemble, d’assurer notamment la propreté, la salubrité, la sûreté et la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics.
C’est pourquoi elle a décidé d’élaborer et d’appliquer un règlement anti-mendicité.

Des protestations, des actions différentes

Les deux premiers règlements ont soulevé de nombreuses protestations et plusieurs actions ont été menées.
Une concertation a été organisée, pour discuter de ces règlements et les amender. En faisaient partie des représentants de la ville, du CPAS, des commerçants, des représentants du monde associatif.
En 2014, suite à un recours introduit par un mendiant, La Ligue des droits de l’homme et le mouvement Luttes-solidarité-travail (LST) au Conseil d’État, celui-ci a suspendu le premier règlement : il estimait trop long le temps prévu pour l’expérimentation annoncée.
Au passage, le Conseil d’État a souligné que " la mendicité en elle-même n’est ni interdite ni pénalement réprimée ", et que " la mendicité ne peut pas être considérée comme un trouble à l’ordre public, même si elle cause un malaise dans la population. "
En 2017 enfin, une action en justice a été entamée : un porte-parole des " Mendiants d’humanité ", Ludwig Simon, a attaqué la ville en justice juste avant le troisième règlement : il lui réclame des dommages et intérêts puisqu’il n’a pu mendier librement pendant les périodes d’interdiction.

Pourquoi refuser ces règlements ?

Les opposants ont différents arguments :

  1. Tout d’abord, la mendicité n’est pas une infraction.
    En 1891, une loi criminalisait le vagabondage et la mendicité. Considérés alors comme des infractions, ces comportements étaient punis. Jugés par un tribunal de police, les mendiants se retrouvaient dans un dépôt de mendicité, en fait une annexe de prison, par exemple à Saint-Hubert.
    En 1993, la mendicité et le vagabondage sont dépénalisés : ils ne sont plus des infractions, ils ne sont plus punissables.
  2. Ensuite, l’espace public appartient à tous, pour autant qu’on y respecte le savoir-vivre. Les mendiants sont des êtres humains et ont donc les mêmes droits que tout citoyen. Ils ont le droit d’occuper cet espace public pour y mendier même si cela peut provoquer un certain malaise dans la population.
  3. Ce n’est pas la mendicité qui trouble l’ordre public mais seulement certaines formes de celle-ci. Et dans ces cas, le Code pénal a prévu des sanctions : mendier agressivement (physiquement ou verbalement), perturber ou entraver la circulation ou les carrefours, bloquer l’entrée d’un édifice privé ou public sont clairement interdits de même que la traite des êtres humains lors d’une mendicité organisée.
  4. Enfin, interdire de mendier presque partout et surtout dans les endroits où il y a quelque chance de recevoir quelque chose… revient à interdire de mendier tout court ! En effet, renvoyer les mendiants dans des quartiers périphériques peu fréquentés équivaut concrètement à leur supprimer la possibilité de mendier.
  5. Ce règlement applicable à tout moment revient à considérer qu’un mendiant est un fauteur de trouble. N’est-ce pas criminaliser la mendicité ? En faire à nouveau une infraction ?

Suite mais pas fin ?

En décembre 2017, suite à des négociations, un accord intervient entre les protagonistes : la ville renonce à renouveler son règlement de l’été et Ludwig Simon renonce à demander des dommages et intérêts. Cet accord est acté à l’audience du 13 décembre du tribunal de première instance de Namur et le jugement y a été prononcé le 23 janvier 2018. Un accord peut donc devenir une décision de justice s’il est passé devant le juge.
Mais l’histoire n’est peut-être pas finie puisque, depuis le 14 décembre, le règlement de police de la ville de Namur comprend un nouveau règlement anti-mendicité. Celui-ci interdit la pratique de la mendicité à vingt mètres des écoles, à dix mètres des distributeurs automatiques et des banques, aux terrasses des cafés et restaurants, aux carrefours, lors du marché et des fêtes de Wallonie, etc.
Certains acteurs de ce procès continuent à estimer qu’interdire de mendier à certains endroits reste une forme de discrimination. Selon eux, la ville a trahi sa parole. Selon le bourgmestre, la ville s’est seulement engagée à ne pas prendre une interdiction globale de mendicité. Les opposants au règlement réfléchissent à l’introduction d’une nouvelle action en justice…

Commentaires

  1. Mendier n’est pas une infraction !

    13 mars 2018

    Gisèle Tordoir

    Personnellement, c’est l’hébergement de personnes en situation illégale sur notre territoire qui me cause un réel malaise. A quand une clarification définitive du projet de loi fédéral à ce sujet ? Il y va réellement de la sécurité et de la légalité nationales. La mendicité n’est pas une infraction.

  2. Mendier n’est pas une infraction !

    7 mars 2018

    Nadine

    Bon ... ben on n’est pas sorti de l’auberge. Au fait, qui est l’auteur de la chronique ?