Alors qu’il est au travail, un employé peut-il envoyer des mails (ou emails ou e-mails ou courriels) personnels ? Son employeur peut-il les contrôler ?
Voici l’histoire compliquée de Monsieur Barbulescu.
Mots-clés associés à cet article : Vie privée , Travail , Conflit de droits fondamentaux , Mail , Courriel , Convention collective de travail , Bureau
Ingénieur dans une entreprise de Roumanie, Monsieur Barbulescu utilisait une messagerie électronique pour son travail. Il lui était interdit de s’en servir pour sa vie privée. Il a cependant envoyé des messages à son frère et à sa fiancée. Son employeur l’a licencié.
Une succession de désaccords
Pas d’accord, Monsieur Barbulescu a contesté son licenciement devant les tribunaux de son pays ; ceux-ci lui ont donné tort, il a donc perdu son procès.
Il s’est alors adressé à la Cour européenne des droits de l’homme. Il estimait que son droit à la vie privée n’avait pas été respecté. Dans un premier arrêt, la Cour a rejeté sa demande.
Monsieur Barbulescu n’en est pas resté là : il a obtenu que son affaire soit renvoyée devant la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme et revue par celle-ci. Ce renvoi devant la Grande Chambre (composée de dix-sept juges plutôt que de sept comme dans le chambres ordinaires) est une sorte d’appel.
Voyons ce que dit son arrêt daté du 5 septembre 2017.
Deux droits s’opposent
La Convention européenne des droits de l’homme protège la vie privée (article 8). Elle doit être appliquée partout, y compris sur les lieux de travail. Mais ce droit n’est pas absolu parce qu’il s’oppose à un autre droit : l’employeur a en effet le droit de vérifier que les personnes de son entreprise travaillent réellement et ne passent pas leur temps à des activités qui n’ont rien à voir avec leur boulot.
Dans son récent arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme a donc cherché à respecter simultanément ces deux droits opposés ? Cet arrêt dit donc bien qu’un employeur peut contrôler les mails de ses employés et leur contenu. Il précise aussi les conditions dans lesquelles ce contrôle peut avoir lieu. Par exemple, l’employé doit avoir été averti de l’existence d’une surveillance avant le début de cette surveillance. Il doit savoir si elle concerne la durée des communications, les identités d’un destinatoire ou le contenu des messages envoyés. Il doit être informé du but de cette surveillance qui doit se justifier et savoir si elle est permanente. Autre condition à respecter : la sanction doit être proportionnelle à la gravité de la faute constatée et un recours contre cette sanction doit être possible.
La Cour européenne des droits de l’homme a considéré que les tribunaux roumains n’avaient pas pris en compte toutes ces conditions. Il n’y avait, par exemple, pas d’information des personnes concernant l’importance de la surveillance. Elle a conclu que le licenciement de Monsieur Barbulescu était illicite. Il ne respectait pas l’équilibre nécessaire entre le droit à la vie privée de l’employé et les intérêts de l’employeur.
En Belgique, suite à un tel arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, Monsieur Barbulescu pourrait demander des dommages et intérêts.
En Belgique ?
Dans notre pays, ces conditions définies par la Cour européenne des droits de l’homme ont été précisées, en 2002, par une convention collective de travail, autrement dit un accord entre les syndicats et les représentants du patronat. L’arrêt de la Cour permet de penser que cette Convention est valable.
Alors, quelle est finalement la réponse à notre question de départ : un employé peut-il ou non envoyer des mails privés sur son lieu de travail ? C’est en quelque sorte : « Oui, mais attention… ». Le droit à la vie privée doit bien être respecté, rien ne dit donc qu’un employé ne peut pas envoyer ses mails privés. Mais, en pratique, tout employeur respectant les conditions requises pour vérifier les mails de ses employés peut le faire à tout moment. Il peut ensuite sanctionner ce qu’il estime être une faute. S’il y a désaccord de l’employé à ce propos, ce sera alors à la justice d’apprécier au cas par cas.
Des mails au travail ? Oui mais attention…
7 novembre 2017
Gisèle Tordoir
Il y a des années, j’ai dû signer une convention d’éthique avec mon employeur lorsque j’ai eu accès à Internet. Je n’ai jamais trouvé cela anormal car je considérais Internet comme un outil de travail (un support) et non comme un loisir ou un mode de communication avec mes amis et autres contacts. La situation, pour le moins injuste, était la différence de traitement faite entre les employés sans grade (mon cas) et les cadres. En effet, les cadres, considérés comme "personnel de confiance" s’autorisaient à aller surfer sur des sites n’ayant aucun rapport avec le boulot (j’en ai vu réserver leurs vacances, commander leurs courses (collect & go), entre autres. Ils méritaient tout sauf la confiance de l’employeur et n’étaient pas un exemple pour leurs subordonnés. C’est toujours à cause d’abus et/ou de mauvais exemple que des mesures sévères, drastiques sont décidées. Il en est ainsi dans tous les domaines.
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