L’actualité commentée

Avril 2020

« Je ne reverrai plus le monde », d’Ahmet Altan

Invitation à la lecture

Le 22 avril 2020

« Me jeter en prison était dans vos cordes ; mais aucune de vos cordes ne sera jamais assez puissante pour m’y retenir. »

Mots-clés associés à cet article : Prison , Turquie , Liberté de la presse , Journaliste

« Je suis écrivain.
Je ne suis ni là où je suis, ni là où je ne suis pas.
Vous pouvez me jeter en prison, vous ne m’enfermerez jamais.
Car comme tous les écrivains, j’ai un pouvoir magique : je passe sans encombre les murailles. »

JPEG - 41.7 koTurquie 2016 : après la tentative de coup d’état, des milliers de fonctionnaires, de magistrats, d’écrivains et de journalistes sont arrêtés, accusés d’avoir participé à une tentative de coup d’État. Parmi eux se trouve Ahmet Altan, romancier, essayiste et journaliste qui sera condamné à la « peine de réclusion à perpétuité aggravée ». Mais cet homme cultivé, épris de liberté, ne se laissera pas abattre !
Dans la cellule qu’il partage avec deux autres prisonniers, il écoute, il médite, il rêve aussi. Et il écrit de courts récits qu’il arrive à faire sortir de prison, feuille après feuille. Réunies, celles-ci seront éditées, hors de Turquie. Ahmet Altan y philosophe, il évoque l’un ou l’autre ouvrage littéraire qui l’inspire à un moment donné… Il raconte aussi le quotidien des prisonniers, atroce souvent, parfois drôle ou un rien poétique quand il évoque les fleurs que les oiseaux laissent tomber dans la cour de la prison…
Dès son arrestation, il a pris conscience qu’il est « un corps pris au piège », mais aussi quelqu’un d’autre « formé de mille voix, rires, lignes, phrases et douleurs ». Sa force, ce sera sa capacité à se détacher de l’enfermement, par l’esprit, l’imagination, l’écriture : « La réalité n’a pas pu m’attraper au vol », écrit-il. Ou encore : « La flamme de mon esprit triompherait de tous les feux dans lesquels mes geôliers voudraient me faire brûler ». Magnifique exemple de résilience, Ahmet Altan détaille comment il laisse de côté les rêves réalistes, concrets, qui n’ont aucune chance de se réaliser (une libération…) pour s’autoriser des rêves d’emblée impossibles en voyageant dans l’espace et le temps. « Je parcours encore le monde avec les ailes de l’imagination », conclut cet homme libre !

« Je ne reverrai plus le monde – Textes de prison » - Ahmet Altan -Traduction : Julien Lapeyre de Cabanes - Éditions Acte Sud – Prix André Malraux 2019.

Commentaires

  1. « Je ne reverrai plus le monde », d’Ahmet Altan

    22 avril 2020

    Amandine

    Merci beaucoup de nous faire connaître cet écrivain.
    Dès que les librairies et les bibliothèques seront de nouveau ouvertes, je me lancerai à la recherche de ses livres.
    En pensée avec lui, en espérant qu’il reverra encore le monde.

  2. « Je ne reverrai plus le monde », d’Ahmet Altan

    22 avril 2020

    Michel Schobbens

    Il est super courageux cet homme, mais je le plains comme tous ces autres
    qui ont été mis en prison parce qu’ils déplaisaient à Erdogan.