Ce 3 janvier, sur les marches du palais de justice de Bruxelles, une cinquantaine de personnes portaient des pancartes affichant « Je suis Françoise ». « Françoise », c’est Françoise Vannorbeeck-Jonckheere, morte en 2000 des suites d’un cancer incurable provoqué par une exposition à l’amiante.
Mots-clés associés à cet article : Éternit , Santé , Responsabilité civile , Environnement , Amiante , Droit à la santé
Mobilisées par l’association belge des victimes de l’amiante (ABEVA) fondée par Éric Jonckheere, ces personnes souhaitaient se manifester lors de l’ouverture du procès en appel opposant la famille Vannorbeeck-Jonckheere à Éternit.
Petit rappel : la famille Vannorbeeck-Jonckheere, dont le père, Pierre, était ingénieur technicien chez Éternit à Kappelle-op-den Bos, devait habiter près de l’entreprise. Cet homme est mort en 1987, d’un cancer rare appelé mésothéliome. Sa femme Françoise meurt en 2000, du même mal, suivie de deux de leurs fils, en 2003 et 2009. Pierre-Paul avait 44 ans et Stéphane 43 ans.
De quoi s’agit-il ?
L’amiante est un matériau fibreux, résistant au feu. Il peut être utilisé dans des produits d’isolation et des ciments. Éternit, une entreprise présente en Belgique depuis 1905, fabrique, sous différentes formes, des plaques d’amiante destinées à la construction.
Si, dans le passé, les dangers de l’amiante étaient inconnus, ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’amiante peut en effet être à l’origine de cancers inguérissables, pouvant se manifester plusieurs dizaines d’années après l’exposition à la « poussière du diable ». Le danger est réel pour les travailleurs de l’entreprise mais aussi pour les habitants vivant à proximité de celle-ci puisqu’elle dégage fumées et poussières qui entrent dans les maisons et se déposent sur les jardins.
Premier procès : responsabilité reconnue
La famille Vannorbeeck-Jonckheere a intenté un procès à Éternit. Lors de celui-ci, en 2011, Éternit prétendait qu’avant 1970, le lien entre l’amiante et le mésothéliome n’était pas prouvé pour des personnes extérieures à l’usine, ce qui était le cas de Françoise.
Le Tribunal de première instance de Bruxelles a constaté que les dangers d’une exposition para-professionnelle à l’amiante étaient déjà soulignés et reconnus par la littérature scientifique dans les années 1960. Éternit aurait donc dû prendre les mesures préventives pour diminuer le danger pour les familles des membres de son personnel. Selon le tribunal, la société Éternit ne s’est pas comportée comme un entrepreneur prudent et actif.
Le 28 novembre 2011, le tribunal a jugé qu’Éternit Belgique avait une responsabilité civile dans la mort de Françoise Vannorbeeck. Elle a condamné l’entreprise à 250.000 euros d’indemnisation.
Éternit conteste ce jugement, d’où cet actuel procès en appel.
Comment établir une responsabilité ?
En Belgique, pour qu’un tribunal reconnaisse la responsabilité d’une personne ou d’une entreprise, il faut pouvoir démontrer l’existence d’une faute et d’un dommage. Il faut aussi démontrer que cette faute a causé ce dommage.
Dans ce procès, le dommage – le cancer et la mort - et la cause – le fait que l’exposition à l’amiante soit la cause du cancer - existent. Qu’en est-il alors de la responsabilité ? Pour qu’elle soit reconnue, il faut prouver qu’Éternit a commis une faute et donc répondre positivement à la question : est-ce que, jusqu’en 1970, compte tenu des connaissances scientifiques de l’époque, le fait pour un employeur d’exposer les familles du personnel à l’amiante sans prendre les mesures de protection nécessaires, était une faute ?
La Cour d’appel de Bruxelles rendra son arrêt le 14 mars prochain.
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