En Turquie, la Fondation Zehra avait été créée pour apporter « une entraide sociale, culturelle et économique » à ses membres. Du moins, c’est ce qu’elle prétendait.
Mots-clés associés à cet article : Démocratie , Charia , Laïcité , Liberté d’association , Liberté de réunion
Les tribunaux turcs avaient, eux, jugé que cette Fondation ne poursuivait pas les objectifs avoués mais plutôt un but caché. En réalité, elle voulait diffuser des enseignements religieux pour arriver à créer un état kurde, basé sur la Charia. La Charia, c’est un ensemble de règles que les croyants musulmans doivent suivre. On l’appelle aussi la loi coranique, puisqu’elle vient du Coran, le livre saint des musulmans.
Puisque la Fondation poursuivait un but caché – donc créer un État basé sur la Charia et des établissements d’enseignement diffusant des idées contraires à la démocratie -, les tribunaux turcs ont exigé sa dissolution et la confiscation de certains de ses biens.
La Fondation s’est ensuite adressée à la Cour européenne des droits de l’Homme pour y soutenir que sa liberté de réunion et d’association n’a pas été respectée (soit l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme).
Que dit la Cour européenne des droits de l’Homme ?
Pour la Cour, se référant à la Convention, une seule manière d’organiser les pouvoirs dans un État, autrement dit un seul régime politique, est possible : c’est la démocratie. Or un état démocratique fonctionne selon les lois des hommes et non des lois qui seraient voulues par un dieu. Il élabore et applique des lois « humaines » et non des lois « théocratiques ». Il respecte différentes valeurs, dont le pluralisme et la laïcité (un principe important de la Constitution turque), c’est-à-dire ici la séparation du pouvoir civil et du pouvoir religieux.
La Cour européenne des droits de l’Homme a mis en avant la défense de la démocratie, et particulièrement le respect de la laïcité et du pluralisme. Elle a donné donc ratifié les décisions des tribunaux turcs et donné tort à la Fondation Zhera.
La Cour reconnait qu’obliger la Fondation à disparaitre, c’est effectivement ne pas respecter la liberté de réunion et d’association. Mais son arrêt est justifié par un « besoin social impérieux » (c’est une expression souvent utilisée par la Cour lorsqu’elle estime devoir expliquer pourquoi elle admet une limitation à une liberté, à un droit de l’Homme). En effet, les textes publiés par la Fondation montrent clairement que ce qu’elle voulait, c’était la création d’un État non démocratique mais bien théocratique, puisque basé sur la charia. Elle voulait créer un enseignement qui allait contrer les principes d’une démocratie pluraliste. Une Fondation qui veut instaurer la charia dans un État ne respecte pas l’idéal démocratique défendu par la Convention européenne des droits de l’Homme. La Cour dit clairement qu’il est « difficile à la fois de se déclarer respectueux de la démocratie et des droits de l’Homme et de soutenir un régime fondé sur la charia, qui se démarque nettement des valeurs de la Convention ».
Donc, juge la Cour, la dissolution de la Fondation et la confiscation de ses biens sont justifiées. Elles sont une ingérence « nécessaire dans une société démocratique » ; autrement dit, cette limitation à la liberté de la Fondation est proportionnée, n’est pas excessive. Il n’y a donc pas de violation de la Convention.
Dans ce cas-ci, le respect de la démocratie est plus important que le respect de la liberté de réunion et d’association.
Communiqué de presse de la Cour européenne des droits de l’Homme – 252 - 10/07/2018
Turquie : la Cour européenne des droits de l’homme dit non à un État fondé sur la Charia
15 décembre 2018
Michel Schobbens
Excellent jugement mais cette fondation me semble avoir été crée par Erdogan
qui est le dictateur de la Turquie et qui ne souhaite par ce biais que de transformer
cet Etat laïque en Etat musulman appliquant la charia.
Je ne serai donc pas étonné qu’Erdogan réagisse vivement à l’encontre de ce jugement.
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