L’actualité commentée

Septembre 2018

Femmes et hommes égaux face à l’emploi

Le 23 septembre 2018

Une entreprise bruxelloise recrute « une assistante administrative ». Elle précise ce qu’elle attend de cette collaboratrice : « Vous êtres très rigoureuse, organisée et débrouillarde ». Cette annonce est publiée sur son site et sur celui d’Actiris. Dès sa parution, Monsieur R. postule par e-mail pour cet emploi. Il présente sa motivation, ses compétences, son expérience dans le domaine administratif et des lettres de recommandation.

Mots-clés associés à cet article : Tribunal du travail , Travail , Sexe , Loi « genre » , Égalité , Emploi , Genre

Sans réponse une semaine plus tard, il contacte l’entreprise, lui demande où en est le recrutement et redit son intérêt pour ce poste. Il reçoit une réponse claire : sa candidature est refusée « […] pour des raisons d’équilibre au sein de l’équipe, et comme précisé dans l’annonce, nous recherchons une assistante administrative, de sexe féminin ».
Informé par Monsieur R., l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (I.E.F.H.) porte plainte au tribunal du travail de Bruxelles pour discrimination en fonction du sexe.

Que dit la loi ?

Discriminer, c’est traiter différemment des personnes ou des groupes sans motif acceptable. Une discrimination peut être fonction de la religion, de la langue, de l’origine nationale ou ethnique, de la couleur de peau, etc., ou encore, comme ici, du sexe.
La loi du 10 mai 2007, appelée « loi genre » interdit toute discrimination directe fondée sur le sexe. Cette loi s’applique à différents domaines de la vie. Elle concerne donc aussi les relations de travail. Plus précisément encore à propos de Monsieur R. et de sa recherche de travail, elle doit être respectée dès le départ, donc dès l’annonce exposant les conditions d’accès à un emploi.
Il résulte de cette loi « genre », que, par exemple, il est interdit de libeller une offre d’emploi au féminin. Les annonces doivent donc être écrites au masculin - le masculin l’emportant grammaticalement sur le féminin quand il est question, à la fois, des hommes et des femmes ! - mais suivie obligatoirement du signe H/F.
Certaines rares exceptions sont prévues dans l’arrêté royal du 8 février 1979. Elles concernent :

  • les acteurs, actrices, chanteurs, chanteuses, danseurs, danseuses et artistes qui devront jouer un rôle de personnage masculin ou féminin ;
  • un mannequin devant présenter des vêtements ;
  • un modèle pour peintres, sculpteurs, photographes ou instituts de beauté.

La loi « genre » prévoit également une indemnisation du dommage moral et matériel subi par la personne discriminée.
Elle précise encore que c’est au défendeur (à la personne mise en cause) de prouver qu’il n’y a pas eu discrimination.

L’employeur de Monsieur R. se défend

Attaqué en justice, l’employeur de Monsieur R. conteste la plainte de celui-ci. Il considère que Monsieur R. se trompe et qu’il estime, à tort, avoir été victime d’un traitement discriminatoire fondé sur le sexe dans l’accès à l’emploi. Il invoque différents arguments :

  • l’offre figurant sur le site Actiris était bien suivie du H/F ;
  • des candidatures masculines ont bien été reçues pour des entretiens de sélection ;
  • la candidature de Monsieur R. ne pouvait être retenue vu qu’il ne répondait pas aux exigences (il n’était pas titulaire d’un baccalauréat) ;
  • dans un e-mail adressé à l’I.E.F.H., il était écrit que le contenu du premier e-mail était « inexact et tout à fait inapproprié » ;

L’employeur n’est donc pas d’accord avec la demande d’indemnisation pour préjudice matériel et moral demandée par Monsieur R..

Il y a bien discrimination

Le tribunal estime que différents faits « permettent de présumer l’existence d’une discrimination fondée sur le sexe » :
Ainsi :

  • la proposition d’emploi est bien libellée au féminin, de même que les spécifications requises ;
  • l’e-mail reçu, en réponse à l’envoi de la candidature de Monsieur R., redit bien que « comme précisé dans l’annonce », il s’agit d’une « assistante administrative de sexe féminin » ;
  • le fait qu’Actiris ait ajouté le H/F ne change rien à celui que l’annonce soit libellée au féminin ;
  • que des candidats masculins aient postulé ne change pas le caractère discriminatoire de l’offre ; qu’un candidat ait été reçu pour un entretien non plus : il se peut d’ailleurs qu‘il ait seulement été reçu pour réagir à l’accusation de Monsieur R. ;
  • l’e-mail de refus a bien été désapprouvé ultérieurement mais seulement plus de deux mois après la première intervention de l’I.E.F.H. et, vraisemblablement, pour les besoins de la cause ;
  • le fait que Monsieur R. ne corresponde pas au profil recherché ne change rien au caractère discriminatoire de l’offre d’emploi ;
  • les prétendues « raisons d’équilibre au sein de l’équipe » ne peuvent pas être invoquées.

Pour le tribunal du travail, la discrimination existe donc bel et bien.

Quelle indemnisation pour le discriminé ?

La loi « genre » prévoit une indemnisation pour les personnes discriminées. Le tribunal reconnaissant l’existence d’une discrimination, Monsieur R. y a donc droit.
Légalement, l’indemnisation prévue pour préjudice moral et matériel est forfaitaire ; elle correspond à six ou trois mois de rémunération brute.
L’employeur ayant pu démontrer que, de toute façon, la candidature de Monsieur R. aurait été refusée parce qu’il n’avait pas les compétences professionnelles exigées, celui-ci n’a droit qu’à une indemnisation correspondant à trois mois de la rémunération brute qu’il aurait pu obtenir s’il avait été engagé.
À titre symbolique, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes reçoit 1 euro pour dédommagement du préjudice subi.

Ce mois d’aout encore

Ce 23 aout 2018, le tribunal du travail de Louvain a condamné un employeur qui, comme dans le jugement de 2016, ci-dessus, précisait dans sa réponse à un candidat qu’il ne pouvait accepter sa candidature parce que « nous sommes à la recherche d’une collègue de sexe féminin pour cette fonction ».
Il faut du temps pour qu’une loi fasse évoluer le quotidien !

Source : Jugement du tribunal du travail francophone de Bruxelles – Troisième chambre – 9/11/2016.

Commentaires

  1. Femmes et hommes égaux face à l’emploi

    24 septembre 2018

    Michel Schobbens

    Je trouve effectivement que ce jugement frôle le ridicule, ou alors la loi est mal faites.
    Je pense qu’il y a des métiers mieux faits pour les femmes et d’autres mieux faits pour les hommes. Si le patron souhaite engager une femme cela reste son droit.
    Continuez à emmerder les patrons qui cherchent à engager du personnel et ils
    quitteront la Belgique !

  2. Femmes et hommes égaux face à l’emploi

    24 septembre 2018

    dorothée neffe

    Je soupçonne le tribunal de n’être pas objectif dans cette affaire, sans doute par démagogie. Ce n’est pas une attitude correcte, encore un rendu de jugement abusif , se sachant SANS APPEL ! Cela devient courant, le tribunal étant à l’abri de TOUT. Et tant pis pour les citoyens lésés.
    IL FAUT éviter de porter en justice si c’est possible. Il n’y a PLUS de Justice.
    Elle ne défend actuellement que les "malin" et les malhonnêtes.
    C’est dans l’air du temps.
    Je précise que je suis une femme, donc il ne faut pas croire que je suis contre l’égalité des chances dans le travail.
    Pense comme moi qui veut… Il faut rester objectif, et Tribunal ne veut PAS dire raison, ne veut pas dire Justice avec un grand J

    Bien à vous,