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Janvier 2023

Vous avez dit Justice ? Quatre jeunes Belges sur cinq disent ne pas connaitre son fonctionnement…

Le 24 janvier 2023

79 % des jeunes Belges estiment ne pas être suffisamment informés au sujet de la Justice ! Ce chiffre, et bien d’autres, sont issus d’une enquête menée en partenariat par Défense des Enfants International (DEI) et le Forum des jeunes, porte-parole officiel des « 16-30 ans » en Communauté française, également appelée « Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) ». L’enquête est titrée « Vous avez dit justice ? ».

1044 jeunes de 16 à 30 ans y ont participé et cet échantillon est jugé largement représentatif par les organisateurs de l’enquête, tant à propos de l’âge que de la répartition géographique, du genre, du dernier diplôme obtenu et/ou de l’activité professionnelle.
Questions-Justice, qui, à sa manière, tente de mieux faire connaître la Justice, lève le voile sur cette enquête.

Une justice adaptée aux mineurs ?

Première question : « Estimes-tu être assez informé sur le fonctionnement de la justice belge ? ».
65 % des jeunes Belges interrogés savent qu’il existe une justice pour les mineurs. (Parmi ces 65 % figurent une quarantaine de jeunes hommes vivant en institution publique de protection de la jeunesse (IPPJ) et donc particulièrement concernés).
Mais quels sont les objectifs de cette justice ? L’enquête a demandé aux jeunes de classer par importance cinq objectifs qu’elle énonce : s’agit-il d’éduquer, de punir, de protéger la société, de protéger les mineurs, d’aider ?
Deux objectifs apparaissent prioritaires : éduquer et protéger les mineurs. Protéger la société et punir sont clairement moins pris en compte ! « Pour synthétiser, on peut dire que les jeunes attendent de la justice des mineurs qu’elle s’inscrive dans une démarche éducative plus que répressive », conclut l’enquête. Deux remarques intéressantes : les jeunes connaissant l’IPPJ insistent sur la protection, mais aussi sur l’aide tandis que les jeunes les plus diplômés placent clairement la protection en première place. Ils accordent aussi encore moins d’importance à l’idée d’une punition.
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Plus la proposition a un score qui s’approche de 5 (score maximal absolu qui serait obtenu par une proposition qui aurait été choisie comme principale par tous les répondants), plus elle est plébiscitée.

Faire confiance à la justice et aux juges ?

Globalement, plus de deux jeunes sur trois, 66,96 %, font confiance à la justice et aux juges mais seulement 13 % optent pour une confiance absolue.
Constat interpelant selon l’enquête : les jeunes ayant déjà eu affaire à la justice ont un avis différent : 45 % d’entre eux optent pour la confiance et 49 % pour la défiance. Être en contact avec la justice aurait donc diminué leur sentiment de confiance envers elle…

Égalitaire, la justice ?

Tout le monde est-il traité de la même façon par la justice ? Est-elle équitable ? Globalement, oui, disent 50 % des jeunes ; non, répondent 45 % d’entre eux tandis que 5 % ne se prononcent pas. Ces chiffres peuvent être affinés puisque 40,83 % des répondants disent bien « oui » mais ils ajoutent « mais pas toujours ». Précision encore : 34,39 % disent que la justice reflète les inégalités de la société et 10,76 % la croient corrompue.
Enfin, si l’on tient compte des âges des participants, on note que plus ils avancent en âge, plus ils trouvent la justice inégalitaire : les « 24-30 ans » sont alors 63 % à avoir cette opinion.
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Comprendre les réalités des jeunes ?

« Selon toi, la justice comprend-elle les réalités dans lesquelles les jeunes se trouvent ? », questionnait encore l’enquête. Oui, disent 43 % des jeunes interrogés, non disent 43 autres %. Résultats apparemment équilibrés donc, mais lorsque l’on prend uniquement en compte les jeunes qui ont eu un contact avec la justice, les chiffres sont tout autres : 8,91 % répondent un oui net et 25,74 % répondent un non tout aussi net. Reflets vraisemblables d’expériences différentes…
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Et si tu pouvais décider ?

Dernière grosse question de l’enquête « Vous avez dit justice ? » : « Si tu faisais partie du gouvernement, quelle mesure prendrais-tu pour améliorer la justice des mineurs ? ». Cette question, ouverte, a permis à 600 jeunes de s’exprimer davantage.
Ils demanderaient, massivement, une première mesure : « Mieux informer les jeunes ». Et cela, dans un double but : « apprendre aux jeunes les droits qu’ils ont dans la société » mais aussi « faire en sorte que les jeunes connaissent mieux les règles ». Cette information est vue comme un outil de prévention. Elle pourrait être diffusée dans tous les lieux fréquentés par des jeunes : écoles, maisons de jeunes, organisations et mouvements de jeunesse, clubs sportifs, etc.
Quant aux moyens pratiques évoqués, ils sont variés : il est question d’ateliers, de stages, d’animations avec jeux de rôle, d’invitations de témoins, de visites d’IPPJ ou de prisons, d’internet encore, comme moyen d’apprentissage ou complément à l’enseignement.
Les jeunes ne sont pas naïfs : ils appellent à un refinancement de l’enseignement et de la justice, mais aussi du secteur jeunesse, maisons de jeunes et mouvements de jeunesse. Ce refinancement devrait prioritairement améliorer la prévention et développer l’information. Citons une seule phrase qui en dit long : « La prévention : c’est là-dessus qu’il est important d’intervenir pour ne pas avoir à juger les mineurs ».

Être à l’écoute

Les jeunes attendent de la justice « qu’elle prenne la peine de comprendre leur situation, de les considérer non pas exclusivement à partir des faits, mais de se mettre à l’écoute ». Et même, dit l’un d’eux, de faire l’effort de se mettre à leur place. La demande est de donner plus de droit à la parole et cela, pour pouvoir comprendre comment un jeune est arrivé à commettre tel ou tel fait. Il s’agit ainsi de pouvoir aider et non pas « rabaisser et réprimer ». Ici aussi, les idées fusent : prendre des mesures au cas par cas et arrêter les généralités, mais aussi élire des mineurs pour aider les juges. Ou encore, augmenter les psychologues en institution mais aussi en école pour renforcer le soutien et le suivi et améliorer la réinsertion…
Conclusion des enquêteurs : « … les jeunes attendent de la société qu’elle mette en place des mécanismes utiles pour leur permettre de poursuivre leur existence, même en cas d’erreur ».

Communication et formation des professionnels

Se mettre à l’écoute des jeunes est une chose, leur parler clairement, communiquer réellement en étant compris, c’est tout autre chose ! « Si j‘étais juge, dit un jeune, je ferais plus dans le relationnel » et un autre explique : il faudrait « moins nous prendre pour des gamins et nous expliquer ».
Il est logiquement alors question de la formation des professionnels, particulièrement des juges, et celle-ci pourrait même se faire « sur le terrain ». Une citation encore : « Faire des formations pour les juges, pour qu’ils soient justes, objectifs, compétents, pour qu’ils puissent juger les gens réellement selon tout ce qu’il y a à juger, pas selon leur humeur ».
La police n’est pas oubliée et les jeunes voudraient qu’elle aussi bénéficie de formations pour poser sur eux « un regard différent ». Ils précisent « que le rôle premier de la police dans la rue est d’aider les citoyens, non de les pénaliser ». À leurs yeux, la police pourrait être un acteur essentiel de prévention et de lien social, si toutefois elle en avait les moyens.

Des sanctions plus fines

Certains jeunes, très peu nombreux (mais on aurait aimé avoir, ici aussi des chiffres !), proposent des mesures radicales : perpétuité, expulsions, sanctions identiques jeunes et adultes. Un nombre non négligeable des répondants à l’enquête (c’est-à-dire ? Aucun chiffre n’est donné) souhaite un durcissement des sanctions, pour des récidivistes par exemple ou parce que ce serait plus efficace pour ne pas retomber dans l’erreur à l’âge adulte.
Une autre frange de jeunes appelle à réfléchir sur la nature des sanctions. Elle demande plutôt un allègement de celles-ci quand les faits sont moins graves. Elles devraient alors avoir un but pédagogique et surtout ne pas pénaliser à vie. Il est question ici encore de suivi, de tenir compte de chaque situation et toujours, d’un nécessaire renforcement de la prévention. Idée originale : que le jeune puisse choisir la nature de sa sanction ! Mieux encore : que les sanctions soient supprimées grâce à la collaboration de tous les acteurs de terrain !
Enfin, parmi des réflexions plus générales, notons cet appel au monde politique à prendre connaissance et conscience de la vie réelle des citoyens et à faire davantage attention aux jeunes, notamment s’ils sont en situation précaire. « Vous avez dit justice ? » se clôture par un dernier appel à une réelle participation des jeunes, de tous les jeunes, aux décisions et lois qui les concernent.
Un prochain article de Questions-Justice abordera les questions et réponses spécifiques des jeunes hommes placés en IPPJ.

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