Le « hijab », porté par de nombreuses femmes musulmanes, est un simple foulard cachant les cheveux, les oreilles et le cou. Hijab signifie « voile », un autre nom utilisé pour parler de ce foulard. Le « tchador », posé sur la tête, couvre le corps mais laisse le visage apparent. Il est porté par les musulmanes iraniennes. Le « niqab » couvre tout le corps et laisse seulement une fente pour les yeux. La « burqa », vêtement traditionnel afghan, recouvre lui aussi la tête et le corps et ne permet qu’un grillage dissimulant les yeux.
Mots-clés associés à cet article : Non-discrimination , Discrimination , Liberté de religion , Hijab , Tchador , Burka , Niqab , Islam , Égalité , Voile islamique , Signes religieux , Signes convictionnels
En Belgique, l’apparition du foulard et la revendication d’étudiantes voulant le porter à l’école commencent à créer des polémiques dans les années 90.
Quelques années plus tard, quand quelques femmes musulmanes commencent à porter le « niqab » ou la « burqa » sur la voie publique, le législateur belge réagit.
Un visage visible
Le 1er juin 2011, une loi interdit le port de tout vêtement cachant totalement ou principalement le visage dans l’espace public. Ce vêtement, c’est donc le « niqab » ou la « burqa ».
Pas d’accord avec cette loi, Samia Belcacemi et Yamina Oussar adressent un recours à la Cour constitutionnelle. Elles demandent la suspension puis l’annulation de cette loi. Toutes deux affirment avoir pris elles-mêmes la décision de porter le niqab. Elles considèrent qu’elles sont victimes d’une discrimination, que leur droit à la liberté de religion n’est pas respecté et que leur vie privée et familiale est atteinte. Madame Belcacemi a décidé de retirer temporairement son voile par crainte d’un procès-verbal, du cout d’une amende ou du risque d’un emprisonnement. Madame Oussar déclare avoir décidé de rester chez elle pour éviter les amendes ou le risque d’être emprisonnée et donc elle n’a plus de vie sociale…
La Cour constitutionnelle rejette le recours en suspension le 5 octobre 2011 et le recours en annulation le 6 décembre 2012 (cfr arrêt en PDF ci dessous).
Sécurité, égalité, vivre-ensemble
Pour rejeter ces recours, la Cour invoque trois raisons : la sécurité, le droit des femmes à l’égalité et à la dignité et les conditions nécessaires au vivre ensemble.
On comprend aisément les problèmes de sécurité : un vêtement cachant totalement le visage ne permet pas, par exemple, d’identifier une personne commettant un délit. Comment savoir qui se trouve sous un niqab puisqu’il camoufle totalement la personne qui le porte ?
Par contre, lorsqu’il s’agit du droit des femmes à l’égalité et à la dignité, les avis s’opposent : d’un côté pourquoi les femmes, toutes les femmes n’auraient-elles pas le droit de choisir un vêtement, fût-ce le niqab ? C’est une question d’égalité ! Pour d’autres, ce niqab est le signe de la soumission des femmes aux hommes, de leur enfermement, ce qui est incompatible avec la démocratie ; hommes et femmes sont égaux !
La Cour a donné raison aux seconds et estimé que le niqab viole le droit des femmes à l’égalité.
Une troisième raison concerne le vivre-ensemble : dans une société démocratique, comment certaines personnes pourraient-elles ne pas être reconnaissables ? Comment vivre ensemble avec des personnes non identifiables, cachées sous un vêtement ?! Comment, par exemple, adresser la parole à une personne impossible à reconnaitre ? Comment se comporter de la même façon avec une personne qui cache son visage et une autre qui le découvre ? Cela crée aussi une inégalité.
Permettre le port de ce vêtement, c’est donc mettre en danger ce vivre-ensemble.
La Cour européenne des droits de l’homme confirme
Les deux femmes s’adressent alors à la Cour européenne des droits de l’homme. Elles estiment que les articles 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme n’ont pas été respectés : droit au respect de la vie privée et familiale, droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, interdiction de discrimination.
Dans un jugement – nommé arrêt - du 11 juillet 2017, la Cour européenne des droits de l’homme donne raison à la Belgique. Elle l’avait déjà fait précédemment, par son arrêt du 1er juillet 2014à propos d’une loi analogue concernant la France.
Elle juge que l’interdiction du niqab en public peut se justifier dans la seule mesure où elle veut garantir les conditions du vivre ensemble. On peut donc considérer qu’elle est nécessaire dans une société démocratique.
La Cour précise aussi que les autorités d’un état sont plus à même d’évaluer les besoins de leur population que la Cour européenne. La Belgique a pris ces décisions parce qu’elle estime que, dans une société démocratique, des visages cachés ne permettent pas d’entretenir de vraies relations humaines. Il s’agit donc, dit la Cour, d’un choix de société.
La Cour donne également raison à trois communes belges qui ont, en juin 2008, interdit le port d’un vêtement dissimulant le visage dans leur espace public.
Le rôle des juges
On se rend compte, en lisant cet article, que le droit n’est pas une science exacte : il ne possède pas une unique et incontestable réponse à chaque situation. Ainsi, dans les affaires dont nous parlons aujourd’hui, les juges doivent décider si, oui ou non, une femme peut se cacher le visage en public. Pour juger, ils doivent tenir compte, à la fois, du droit à l’égalité des hommes et des femmes et du droit à la liberté de religion. Mais parfois, ces droits peuvent se contredire et les juges doivent tout de même juger.
Cela signifie que tous les juges, y compris les plus importants d’entre eux (ici la Cour constitutionnelle et la Cour européenne des droits de l’homme) ont un pouvoir important sur des sujets qui concernent la vie quotidienne et le vivre-ensemble dans une société toujours en évolution.
Sources :
Guy Haarscher : « La Cour constitutionnelle… » 538
Requête 37798/13 – Cour européenne des droits de l’homme - www.hudoc.echr.coe.int/eng-press
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