« Que de peines silencieuses dans une peine de prison ! Certaines personnes, on ne les entend plus mais on entend parfois des cris à travers les barreaux. C’est que ça vit là-dedans, ça crie, ça souffre, ça pleure… […]. Là plus qu’ailleurs, il faut laisser libre cours à la parole, c’est une question d’urgence, de nécessité […] », explique un membre de la Commission de surveillance de la prison de Tournai.
Mots-clés associés à cet article : Prison , Détenu , Prisonnier , Commission de surveillance des prisons , Passe-muraille
Neuf personnes et des histoires
Et voilà « Passe-muraille », au nom évidemment évocateur : le Passe-muraille de la littérature avait le don de traverser les murs ; celui des détenus de la prison de Tournai transmet la voix, l’expression de neuf détenus au-delà des barreaux : Alain B., Moktar M., Sajmir C., Jimmy VdR, Christophe N., Ernesto R., Egils S. et Alain G. Pendant un an, avant le confinement déjà, ils ont travaillé à la réalisation d’un fanzine, soit un petit bouquin, un recueil d’histoires racontées en BD, suggérées par des textes ou des poèmes, par des illustrations noires et blanches ou bien très colorées, épurées ou plus fouillées.
Une première, « La lettre » d’Alain met en scène un homme dans un décor triste, qui tente vainement d’appeler son fils au téléphone. Alors, il va lui écrire mais qu’il est difficile de trouver les mots ! De page en page, ce père jette ses brouillons dans la poubelle (sur laquelle, comme dans sa prison qu’il n’oublie pas, il est stipulé « Ceci n’est pas un urinoir »). Les brouillons s’accumulent et puis enfin la phrase qui dit tout : « C’est l’tout qu’je t’aime et qu’tu m’manques !! ». À la dernière page, enfin serein, le père ferme son enveloppe…
Christophe, lui, imagine son départ de la prison et sa première visite à sa mère, au cimetière. D’autres encore évoquent la bière, l’accrochage aux jeux vidéos qui peut mener à l’isolement, le Covid, la guitare. Dans des pages d’abord vives puis grises et sombres, un autre se souvient d’un père pêcheur lorsqu’il mange une boite de sardines et commente : « Je te vois sans savoir si tu vis dans notre pays meurtri, la Syrie ».
Trois animateurs et des moyens
Ces hommes ont dû créer des récits, trouver comment les écrire et/ou les dessiner. Pour y arriver, ils ont été encadrés par trois animateurs : Arlette Blomme, professeure de français, tente « d’apporter dans le cours d’alpha une évasion, de l’apprentissage et de la connaissance stimulantes » ; Vincent Leclerc, artiste, comédien, conteur et ici « compagnon d’écriture », a aidé les détenus à trouver et à mettre en mots ou dessins, l’histoire à raconter ; quant à Xavier Maton (!), infographiste, dessinateur et illustrateur, il a permis aux détenus de découvrir les clés pour réaliser ce fanzine et, par exemple, les codes de la bande-dessinée.
Les moyens financiers ont été réunis par deux membres de la Commission de surveillance de la prison de Tournai, convaincus de l’intérêt et de l’utilité de cette réalisation, axée sur la production des détenus, sur la fabrication de quelque chose de concret, soit ce Passe-muraille édité par le « Collectif d’arts graphiques de la prison de Tournai ».
« Passe-muraille » peut être commandé dans deux librairies de Tournai : Chantelivre et Fanfulla (069/229213).
Passe-muraille : la voix, la vie des détenus de Tournai
12 juin 2021
Skoby
Je pense que c’est une action positive vis-à-vis des détenus.
Répondre à ce message