Dans l’actualité, très souvent, les journalistes informent qu’un prévenu est placé en « garde à vue » et qu’un juge d’instruction va se prononcer sur la délivrance d’un mandat d’arrêt dans les 24 heures
Mots-clés associés à cet article : Détention préventive , Liberté individuelle , Garde à vue , Arrestation , Privation de liberté
Et, depuis les attentats terroristes, le débat a cours sur une prolongation de ce délai : 24 heures, 48 heures, 72 heures ? Les discussions vont bon train à la Chambre des représentants et, cette semaine, le président du tribunal de première instance de Bruxelles a estimé qu’un allongement au-delà de 48 heures n’est pas nécessaire.
Au fait, la garde à vue, à quoi ça sert ?
Dans le langage de tous les jours, citoyens et médias parlent souvent de « garde à vue » plutôt que d’arrestation judiciaire. En droit belge pourtant, la notion de « garde à vue » n’existe pas. Ce terme est en quelque sorte « emprunté » au droit français et utilisé comme un équivalent à « arrestation judiciaire ». Voilà pourquoi nous avons utilisé l’expression de « garde à vue » entre guillemets.
Quand ?
Prise sur le fait lorsqu’elle commet un délit (autrement dit « en flagrant délit ») ou un crime (on parle alors de « flagrant crime »), une personne peut être arrêtée par la police et privée de liberté. La police informe immédiatement le procureur du Roi de cette arrestation, que l’on qualifie alors de « judiciaire » parce qu’elle se situe dans le contexte où il s’agit d’ouvrir une enquête judiciaire après qu’une infraction ait été constatée.
Autre situation : l’arrestation judiciaire d’un citoyen est demandée par un procureur du Roi ou un juge d’instruction qui estime qu’il existe de sérieux indices de sa culpabilité.
Concrètement, cette personne est alors « gardée » dans les locaux d’un commissariat de police ou dans une cellule du palais de justice. S’il s’agit d’une information, le Procureur du Roi (ou les autres magistrats du parquet qui l’assistent) peu(ven)t l’auditionner, mettre le dossier à l’instruction ou décider de le libérer si les conditions qui ont justifié son arrestation ne sont plus d’actualité. S’il s’agit d’une instruction, le suspect sera généralement d’abord interrogé par les enquêteurs et ensuite, par le juge d’instruction si celui-ci envisage de l’inculper ou de lui décerner un mandat d’arrêt.
Dès son arrestation, le suspect arrêté a le droit d’être accompagné par son avocat lors du premier interrogatoire de la police comme de l’interrogatoire du juge d’instruction.
Pourquoi ?
Pour quelles raisons mettre un suspect en « garde à vue » ? Tout d’abord, il s’agit de le neutraliser pendant que les enquêteurs, sous le contrôle du procureur du Roi (ou parfois le juge d’instruction) mène de premières recherches. C’est donc un moment pendant lequel le suspect peut être interrogé, en présence de son avocat, tandis que les enquêteurs vérifient les éléments connus ou découverts.
Ces informations conduiront à une libération ou à un mandat d’arrêt, c’est-à-dire à une nouvelle décision de privation de liberté, et ce dans les 24 heures de la privation de liberté initiale. S’il faut décerner un mandat d’arrêt, le dossier est obligatoirement transféré à un juge d’instruction puisque celui-ci est le seul à pouvoir le faire. ce mandat d’arrêt est le début de la détention préventive, c’est-à-dire avant jugement, avant toute décision quant à la culpabilité éventuelle du suspect arrêté.
Dans certaines situations, par exemple quand des informations fort importantes sont attendues, la loi actuelle permet déjà d’allonger l’arrestation judiciaire à 48 heures. Dans ce cas, un juge d’instruction doit intervenir dans le délai initial de 24 heures et motiver sa décision. Ce délai initial de 24 heures dans lequel un juge (d’instruction) doit nécessairement intervenir est fixé par la Constitution.
Allonger oui mais…
S’il s’agit d’une affaire courante, le juge d’instruction peut facilement constater s’il existe ou pas d’indices de culpabilité et donc s’il faut libérer la personne ou décerner un mandat d’arrêt. Dans ces cas, 24 heures sont suffisantes.
Dans les affaires de terrorisme par exemple, les devoirs à réaliser sont nombreux et d’autant plus compliqués qu’ils concernent souvent plusieurs suspects. Un juge d’instruction ou des enquêteurs doivent mener des dizaines de recherches et vérifications par exemple : quelles étaient les armes utilisées, d’où viennent-elles, quelles informations peuvent-elles être trouvées dans les téléphones, y a-t’il des complices, quels sont les liens entre eux, etc. ? Il faut évidemment recouper les différentes informations. Dès lors, 24 heures peuvent ne pas suffire pour avoir une idée plus claire de la situation et de l’éventuelle culpabilité de la personne arrêtée. Il existe donc un risque de remettre en liberté, faute d’indices suffisants de culpabilité, quelqu’un de dangereux qui pourrait commettre un prochain attentat ! Autre risque : un juge d’instruction, pressé par le temps, pourrait décerner plus facilement un mandat d’arrêt, par mesure de précaution, et emprisonner peut-être un innocent ou une personne dont le comportement ne justifie pas qu’elle soit privée de liberté avant son jugement.
C’est pourquoi le gouvernement souhaite allonger l’arrestation judiciaire à 72 heures pour les dossiers concernant le terrorisme. De leur côté, les parquets et juges d’instruction souhaiteraient un allongement à 48 heures… mais pour tous les dossiers. Précision : s’il n’est pas nécessaire d’aller au bout des heures autorisées pour le délai, l’arrestation judiciaire peut être terminée plus tôt.
Blocage ?
En Belgique, plusieurs propositions de révisions de la Constitution demandent actuellement l’allongement du délai d’arrestation judiciaire de 24 heures. Elles émanent de divers partis, pas d’accord entre eux : certains souhaitent une durée de 48 heures, d’autres proposent 72 heures. Certains voudraient que l’arrestation judiciaire soit maintenue plus longtemps pour tous les suspects, d’autres estiment que ce n’est pas nécessaire dans tous les cas.
Autre difficulté : pour que le délai de 24 heures soit prolongé, il faut modifier la Constitution puisque la règle selon laquelle l’arrestation judiciaire dure vingt-quatre heures maximum y est inscrite. Mais 2/3 des parlementaires doivent alors marquer leur accord, donc plus de parlementaires que ceux de la majorité actuelle. Après cette modification de la Constitution, une nouvelle loi devra alors être votée pour organiser concrètement l’allongement de la « garde à vue ».
La France, concernée comme la Belgique par les attentats terroristes de ces derniers mois, demande à l’État belge d’allonger l’arrestation judiciaire de 24 heures. Elle estime que cela faciliterait la coopération entre les services français et belges.
Depuis quand la personne arretée peut prendre un avocat dès son arrestation en Belgique ?
10 juillet 2024
Zenon
Pourquoi la police se plaint toujours des droits accordés à la défenses ? Ne sont-ils pas censés être "neutre", "objectif" et "respectueux des lois" ?
Répondre à ce message