Récemment, quatre policiers impliqués dans la mort d’un jeune en 2019 ont bénéficié d’un non-lieu décidé par la chambre du conseil de Bruxelles. Cela signifie-t-il qu’ils ne sont pas coupables ?
Ce n’est pas si clair : cela signifie seulement qu’il n’y a pas de charge suffisantes pour qu’ils soient jugés par un tribunal correctionnel. Leur procès n’aura pas lieu, sauf apparition de nouveaux éléments.
Décodons.
Mots-clés associés à cet article : Instruction , Procédure pénale , Chambre des mises en accusation , Chambre du conseil , Non-lieu , Preuve , Preuve pénale , Charge , Indice , Soupçon
Reprenons la procédure pénale
Le déroulement de la procédure pénale est expliqué dans l’article suivant de Questions-Justice : « La procédure pénale : description générale ».
Pour l’essentiel, voici comment cela se passe.
Après une infraction, le parquet peut charger un juge d’instruction de diriger l’enquête. Ce sera par exemple le cas lorsqu’un suspect devra être privé de liberté. On dit de ce juge qu’il doit « instruire à charge et à décharge ». Cela signifie qu’il doit réunir un maximum d’informations, favorables et défavorables au suspect.
Quand le dossier est terminé, le juge d’instruction le renvoie au procureur du Roi. Celui-ci rédige alors son réquisitoire dans lequel il demande à la chambre du conseil du tribunal de première instance de renvoyer le suspect devant un tribunal. Plus rarement, il demande un non-lieu.
Ni soupçon, ni indice, ni preuve
Pour décider du renvoi d’un suspect devant un tribunal, la chambre du conseil doit être certaine qu’il existe des charges suffisantes. Si ce n’est pas le cas, elle décide un non-lieu.
Mais qu’est-ce qu’une charge ? Ce n’est pas un soupçon. Un soupçon, c’est ce qui existe au départ et qui va décider d’entamer une information judiciaire. Exemple : une personne est retrouvée morte, elle semble s’être suicidée mais il y a des éléments troublants : il existe des soupçons de meurtre. On va alors entamer une enquête (appelée « information judiciaire ») pour en savoir plus. Ce n’est pas encore une instruction judiciaire.
Ce n’est pas un indice : un indice est plus précis, plus sérieux qu’un soupçon. Exemple : des voisins ont entendu telle personne quitter le logement de la victime en courant. Il y a donc des indices que cette personne pourrait être le meurtrier. Mais il n’y a pas encore de preuve.
Alors ? Une charge, en langage courant, c’est un poids, un fardeau, quelque chose qui vous empêche d’avancer ou en tous cas qui freine votre avancée. C’est, dit le dictionnaire lorsqu’il s’agit de la justice, « un fait qui pèse sur la situation d’un accusé » (Le petit Robert).
Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, les charges sont « l’ensemble des éléments recueillis au terme de l’instruction. Elles sont suffisantes lorsqu’elles sont contrôlées et si sérieuses qu’au stade du règlement de la procédure, la condamnation des personnes poursuivies apparaisse comme vraisemblable ». Le règlement de la procédure, c’est la décision prise par la chambre du conseil à la fin d’une instruction pour décider du sort du dossier : renvoi vers la juridiction appelée à juger l’inculpé, non-lieu ou renvoi vers un juge d’instruction pour poursuivre l’instruction.
Ces charges sont analysées par la chambre du conseil qui décide finalement si elles existent bien et, si oui, si elles sont suffisantes pour qu’il y ait un procès.
Dans le cas des quatre policiers dont nous parlons en tête d’article, la chambre du conseil a estimé que les charges étaient insuffisantes. Elle a donc prononcé un non-lieu : les policiers ne sont pas renvoyés devant un tribunal, leur procès n’ira pas plus loin, les poursuites à leur égard sont supprimées. On ne pourra jamais considérer qu’ils sont coupables ni qu’ils sont innocents sauf si de nouveaux éléments sont révélés et que leur dossier est alors rouvert.
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