M.S. souhaite louer un appartement mis en location par une agence immobilière. Il complète la fiche de candidature qui lui est remise et y joint une preuve de paiement de ses loyers six derniers mois.
Mots-clés associés à cet article : Discrimination , Logement , Droit au logement
« Désolé, c’est déjà loué »
Quelques jours plus tard, il reçoit un SMS de l’agence, qui précise : « Nous avons reçu beaucoup de candidatures mais malheureusement c’est une autre candidature qui a été choisie ».
Pourtant, M.S. se rend compte que l’appartement est toujours libre ! M.S. est d’origine africaine : y aurait-il eu discrimination ? Pour tenter de répondre à cette question, il contacte le Centre interfédéral pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme et les discriminations (UNIA). Il mandate alors une personne d’origine belge pour téléphoner à l’agence locative et se renseigner à propos de cet appartement à louer. Eh oui, cet appartement est toujours libre !
Le même jour, M.S. retéléphone à l’agence, qui lui réaffirme que l’appartement est loué.
Seule différence entre lui et l’autre personne : l’origine africaine de M.S. qui a un léger accent.
Les conversations téléphoniques sont enregistrées.
Prouver la discrimination
M.S. a donc eu recours à un « test de situation » : il s’agit de construire un couple dont les deux parties ne diffèrent que par une seule caractéristique, celle que l’on veut tester. Ici, il est question de l’origine étrangère mais ce pourrait aussi être l’âge, le sexe, le handicap ou toute autre particularité.
Il s’adresse alors, en référé, au Tribunal de première instance de Nivelles puis à la Cour d’appel de Bruxelles.
Face à la justice, l’agence immobilière se défend de toute discrimination. Elle parle d’erreur d’envoi d’un SMS, de dossier incomplet, de manque d’intérêt de M.S. pour cet appartement, d’une désorganisation au sein de l’agence au moment de ces faits. Tous ces arguments sont peu cohérents et difficiles à prendre en compte. Et ce, d’autant plus que l’agence, manifestement peu soucieuse de respecter le droit au logement et peu informée, accuse à son tour M.S. et UNIA de procédure téméraire et vexatoire ! Cette dernière demande est rejetée par la Cour d’appel de Bruxelles.
Au contraire, le 28 septembre 2020, la Cour d’appel de Bruxelles admet que le résultat de ce test de situation permet de constater une discrimination interdite, fondée sur l’origine africaine de M.S. En effet, un bien disponible a été déclaré indisponible pour une personne parlant français avec un accent africain.
La Cour donne l’ordre de supprimer cette pratique discriminatoire et condamne l’agence à un paiement de 1.300 euros de dommage moral à M.S. Elle impose également l’affichage d’un extrait (rendu anonyme) de la décision.
De l’importance de cette décision
La Constitution belge garantit le droit de tous à un logement décent. Pourtant, en Belgique, la discrimination dans l’accès au logement est réelle et ancienne. En 2004 déjà, « Le livre noir de la discrimination au logement », édité par le Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie (MRAX) relatait des témoignages éloquents recueillis lors d’une campagne intitulée « Désolé, c’est déjà loué ».
Dix ans plus tard, en 2014, UNIA établit un baromètre de la diversité du logement ; celui-ci met en évidence des chiffres alarmants concernant la discrimination au logement, particulièrement à l’égard de personnes d’origine étrangères ou supposées telles.
Pour lutter contre ces discriminations, pour qu’elles soient reconnues par la justice, il faut pouvoir les prouver. Le « test de situation » est un outil simple, proposé par UNIA.
L’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles confirme que le test de situation peut être utilisé par des candidats locataires écartés sur base de leur origine ethnique. Ainsi est-il possible de s’opposer aux propriétaires et agences immobilières ne respectant pas les droits humains, en particulier, ici, le droit au logement décent.
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