Début octobre 2024, à quelques jours des élections communales, le journal Le Soir envisageait la publication d’un article sur la mise en cause d’un échevin devant le tribunal correctionnel.
La justice civile est intervenue dans des sens opposés, en première instance et en appel, sur ce projet d’article.
De quoi s’agissait-il et quels principes étaient en jeu ?
Mots-clés associés à cet article : Vie privée , Liberté d’expression , Référé , Droit au respect de la vie privée , Liberté de la presse , Censure , Procédure bâillon , Extrême urgence , Honneur , Requête unilatérale , Réputation

Début octobre 2024, à quelques jours des élections communales, un journaliste du journal Le Soir avait appris que le Procureur du Roi de Liège demandait qu’un échevin verviétois soit jugé par le tribunal correctionnel.
Cet homme n’aurait pas payé certains impôts, il pourrait être coupable de fraude fiscale. On est à quelques jours des élections.
Le journal contacta cette personne et lui posa plusieurs questions avant de rédiger un article. Il ne reçut aucune réponse.
Par contre, le 10 octobre, l’échevin en question s’adressa au Président du Tribunal de première instance de Liège. En extrême urgence, il lui demanda d’interdire la future publication de cet article ; c’est ce que l’on appelle le référé d’extrême urgence. Rapidement, le juge accepta cette demande. Il ordonna au Soir de suspendre provisoirement toute diffusion de tout article concernant le réquisitoire du procureur devant le tribunal correctionnel.
À quelques jours des élections
Précisions importantes : quand il s’agit d’une requête « en extrême urgence », le juge n’entend que la personne qui lui adresse la requête. Donc dans ce cas, il ne contacta pas Le Soir et il ignorait le contenu du futur article.
Autre précision : on est à quelques jours des élections communales et l’échevin en question est candidat-bourgmestre.
Le juge explique sa décision : la publication de cet article, « à trois jours des élections communales, donne l’apparence d’une volonté de nuire à la réputation et à l’honneur » de l’intéressé. Et encore : « le droit à l’honneur, à la réputation et au respect de la vie privée pourraient être gravement menacés ».
Pas d’accord !
Le Soir réagit rapidement et s’opposa à cette décision. Le journal dénonça une censure avant publication d’un article, ce qu’interdisent les articles de la Constitution consacrant la liberté d’expression et la liberté de la presse. Après avoir entendu Le Soir, le même juge confirma pourtant son jugement. Il estima qu’il n’y avait pas d’atteinte injustifiée à la liberté de la presse et qu’il voulait protéger les droits de l’échevin.
Le Soir s’adressa alors à la Cour d’appel de Liège.
Le 19 juin 2025, l’arrêt de la Cour est très différent des premiers jugements. Pour elle, le premier juge a décrété une censure avant publication, ce que la Constitution belge ne permet pas. L’article 25 de la Constitution belge est clair : « la presse est libre ; la censure ne pourra jamais être établie ». Un média ou, le cas échéant, un journaliste peut être sanctionné s’il commet une faute mais seulement après publication d’un article. La Cour estime aussi que rien ne prouve que l’objectif du Soir était de nuire à l’échevin.
Elle annule donc cette censure préalable. Le Soir peut publier l’article qui avait été censuré.
Son avocate le réaffirme : l’arrêt de la Cour rappelle donc l’interdiction de la censure préventive inscrite dans la Constitution. « La loi ne doit en aucun cas être détournée pour bâillonner les journalistes et entraver l’accès à l’information d’intérêt public ».
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