Un ministre ou un ancien ministre de l’État belge peut être soupçonné d’avoir commis une infraction pénale. Ainsi, récemment, la presse révélait l’existence d’une enquête judiciaire concernant des faits de blanchiment d’argent qui auraient été commis par un ancien ministre.
Questions-Justice pose la question : un (ancien) ministre sera-t-il jugé comme Monsieur Tout le monde ?
Oui et non ! Expliquons !
Mots-clés associés à cet article : Séparation des pouvoirs , Ministre , Responsabilité pénale des ministres

La Constitution a bien prévu cette situation et elle distingue deux scénarios.
Première situation : une infraction en lien avec la fonction ministérielle
Supposons que, lors d’une séance du Parlement, c’est-à-dire nécessairement dans le cadre de ses fonctions, un ministre a exprimé une opinion (par des injures, une calomnie, de la diffamation…) contraire au Code pénal ou à une loi (par exemple la loi de 1981 contre le racisme et la xénophobie). Dans ce cas, il est alors considéré comme étant irresponsable. Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas responsable mais « on fait comme si… ». Pourquoi ? Parce que la Constitution a jugé pertinent d’accorder une liberté absolue de parole aux parlementaires et ministres lorsqu’ils interviennent au Parlement ou dans des salles de réunions du Parlement.
S’il n’est pas question d’une opinion, le ministre est responsable mais il ne sera pas tout à fait jugé comme un autre citoyen. Il sera jugé par la Cour d’appel de Bruxelles après un accord de la Chambre des représentants.
Autre situation : une infraction sans lien avec la fonction ministérielle
L’infraction peut ne pas être liée à la fonction ministérielle. Tel est bien entendu le cas lorsqu’elle a été commise avant la prise de fonction du ministre, mais aussi lorsque le ministre est en exercice. Tel pourrait être le cas par exemple d’un ministre qui frauderait le fisc pour tenter de réduire ses propres impôts sans qu’il y ait un lien avec l’exercice de ses fonctions.
Comme dans la première situation, le ministre sera alors jugé par une cour d’appel, mais pas nécessairement par celle de Bruxelles ; précisons que, si le ministre est en fonction, il faut aussi que le Parlement autorise la poursuite de ce dernier devant la cour d’appel. Cette manière de procéder est donc également différente, à plusieurs égards, de celle qui existe pour un simple citoyen.
Pourquoi cette autre pratique lorsqu’un ministre est concerné ? C’est, d’une part, parce qu’il s’agit de protéger et de garantir la séparation des pouvoirs, judiciaire et exécutif : il faut éviter une ingérence injustifiée des magistrats dans le travail des ministres. C’est, d’autre part, parce qu’il faut éviter que des accusations abusives ou politiquement motivées perturbent le travail ministériel.
Mais si délit il y a, le ministre, comme tout citoyen, devra répondre de ses méfaits.
Si ce ministre n’est plus en fonction, il est alors jugé comme un citoyen ordinaire pour les faits commis lorsqu’il était ministre.
Recherche d’équilibre
Par ces procédures particulières, la Constitution a donc cherché un équilibre entre l’indépendance du pouvoir des ministres et leur responsabilité, leur obligation à rendre des comptes.
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