Migrants en mer : des garde-côtes condamnés par la Cour européenne des droits de l’homme

16 décembre 2024

En 2016, deux Syriens ont fui leur pays en guerre. Ils sont partis au Liban, où ils ont vécu dans des camps gérés par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR).
Vu les très mauvaises conditions de vie dans ces camps, ils sont partis avec l’intention de demander l’asile à Chypre. Les garde-côtes chypriotes les ont arrêtés en mer et ils n’ont pas pu atteindre Chypre. Ils ont dû rester deux jours sur le bateau, dans des conditions très difficiles, puis ils ont été ramenés au Liban. Les garde-côtes n’ont pas tenu compte de leur volonté de demander l’asile.

Photo @ PxHere.com

À la Cour européenne des droits de l’homme

Les Syriens se sont adressés à la Cour européenne des droits de l’homme. Ils estimaient que Chypre n’avait pas respecté différents droits :

  • l’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants ;
  • l’interdiction d’expulsions collectives d’étrangers sans avoir examiné leur situation et tenu compte de leur demande d’asile ;
  • le droit à un recours, prévu par la loi, pour contester leur renvoi au Liban.

Pas d’accord, Chypre a déclaré que les Syriens ont été bien traités, que leur renvoi se base sur un accord entre Chypre et le Liban à propos de gestion des migrants et que le Liban peut être considéré comme un pays sûr.

Selon la Cour

Cela ne change pas les autres constats de la Cour, qui affirme que les conditions de vie en mer étaient bien humiliantes et dégradantes.
Chypre, dit encore la Cour, n’a pas vérifié les risques que pourraient courir les Syriens pour leur vie et leur sécurité au Liban. Elle n’a pas vérifié non plus si les Syriens auraient eu accès à une procédure d’asile et obtenu des garanties suffisantes contre leur renvoi vers la Syrie.
La Cour précise encore que Chypre a expulsé les Syriens de manière collective, ce qu’interdit le droit international. En effet, les garde-côtes ont seulement pris les noms des personnes, mais ne leur ont pas donné la possibilité de s’exprimer et de contester leur renvoi vers le Liban. Aucun recours n’était possible.
Contrairement aux affirmations de Chypre, la Cour constate encore que le Liban protège très faiblement les réfugiés. Au contraire, son système d’accueil est marqué par le surpeuplement, l’insuffisance de nourriture, les soins de santé inadéquats.
Il existe aussi des preuves que le Liban renvoie les Syriens dans leur pays d’origine, ce que savaient ou auraient dû savoir les garde-côtes.
Le 8 octobre 2024, l’arrêt de la Cour européenne condamne Chypre en raison de l’attitude de ses garde-côtes.

Une exception d’importance

Avec cet arrêt, la Cour européenne s’est intéressée à une affaire de refoulement (ici par Chypre) et de contrôles des frontières. Contrôles qui, pour Chypre, mais aussi pour d’autres États, impliquent l’interception des migrants en mer, leur refoulement et leur expulsion collective. Il s’agit d’une pratique connue sous le nom de « pushback ».
Ces pratiques peu transparentes sont mises en place de manière informelle, en dehors des lois. Cela explique que les États ne doivent généralement pas en rendre compte. C’est pourquoi cet arrêt concernant Chypre est une exception importante.

Votre point de vue

  • Francois
    Francois Le 3 janvier à 13:11

    En matière de sauvetage en mer, il est logique de déposer les naufragés dans le port LE PLUS PROCHE ! Et ce port est le plus souvent celui de départ...
    Si la personne peut supporter le trajet (pas d’urgence médicale), le retour au point de départ est aussi à privilégier pour des raisons de bon sens...
    Le sauvetage en mer est une organisation très coûteuse, et est destiné à des accidents, de la part de personnes s’étant embarqué "de bonne foi" et ayant été surprise par une météo non prévisible, ou par un incident fortuit sur leur bateau... Quand des imprudences flagrantes ont été commises, ils peuvent être tenus de payer les frais de sauvetage, peuvent recevoir une amende et même se voir retirer le permis de naviguer...

    Ce n’est pas le rôle du sauvetage en mer d’être obligé faire face à des prises de risques délibérées, sur des embarcations systématiquement non conformes... Désolé...
    Le retour systématique au point de départ est une des seules manière de lutter contre ces prises de risque surréalistes et trop nombreuses !
    Si on emmène ces personnes au lieu de destination souhaité, on encourage les prises de risque, et on les aggrave car il y a des personnes qui comptent sur le sauvetage en mer dès l’embarquement, en sachant que leurs embarcations sont incapables d’entreprendre la traversée...
    Et vu la publicité faite autour des "accidents", il est impossible d’ignorer les risques mortels ...

    On se trouve dans la même situation d’une personne qui incendie volontairement sa maison, comptant sur les pompiers pour "sauver sa vie" et légitimer l’intervention de l’assurance pour reconstruire "à neuf" leur bâtiment !
    Si la fraude est détectée (prise de risque VOLONTAIRE) il sera en situation pire qu’au départ : sa maison est détruite, il n’est pas indemnisé, et devra rembourser l’intervention des pompiers...
    C’est l’équivalent du retour au point de départ : il aura perdu le prix du passage... Qu’il s’estime heureux de ne pas être condamné à payer le coût du sauvetage : c’est dissuasif...
    Si le retour systématique au point de départ existait, il n’y aurait (quasi) plus de départs à risques...

    Répondre à ce message

Votre message

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Avec le soutien de la Caisse de prévoyance des avocats, des huissiers de justice et des autres indépendants
Pour placer ici votre logo, contactez-nous