Les rouages de la justice

Le ministère public (parquet et auditorat)

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À Bruxelles, le Parquet a son service d’urgence !

Le 28 décembre 2022

Au parquet de Bruxelles, des substituts du Procureur du Roi sont toujours joignables le jour (plusieurs) et la nuit (un seul) par les services de police. En effet, la délinquance ne s’arrête pas aux jours et heures de bureau ! Le parquet (ou le « ministère public » selon sa dénomination officielle) sera donc contacté par téléphone par un service de police qui constate une infraction et doit obtenir d’urgence l’avis du magistrat de garde pour les suites à donner à cette infraction.

Pour en savoir plus, Questions-justice a interrogé Fanny Carlier, premier substitut du Procureur du Roi de Bruxelles, à propos d’un service de garde spécifique à Bruxelles. Rappelons que, dans chaque arrondissement judiciaire, le ministère public (ou « parquet ») est dirigé par un procureur du Roi et est composé de substituts et de premiers substituts ; tous ont le statut de magistrat.

Questions-Justice (QJ) : Le Parquet de Bruxelles possède-t-il un service particulier pour ces urgences ?
Fanny Carlier (F.C.) : Oui, à Bruxelles, le parquet a créé, il y a une dizaine d’années, un service de jour appelé « Permanence ». Il est exclusivement consacré aux urgences. À l’instar d’un service d’urgence hospitalier qui donne les premiers soins, la Permanence fait les premiers devoirs d’enquête puis « dispatche « les dossiers chez les autres collègues compétents dans les différentes matières. Côté francophone, la Permanence se compose de cinq magistrats. Ils sont aidés par deux juristes et deux criminologues.
Par jour, il peut y avoir de 25 à 30 affaires, correspondant à 50 ou 60 coups de fil ; la nuit, il y a environ entre 60 et 80 appels, pour une quarantaine d’affaires de tous ordres.
Le magistrat de garde prend ses responsabilités mais il est évident que, pour des dossiers plus difficiles, la collégialité du parquet est grande et nous avons toujours la possibilité de demander l’avis à un collègue. Pour certaines matières très sensibles comme les prises d’otages, des collègues sont d’ailleurs aussi en standby dans un rôle (une « liste ») de garde particulier. Dans certains cas de figure, on doit en référer à ces collègues spécialisés, et parfois on leur passe la main.

QJ : Vous êtes contacté par la police, que se passe-t-il ensuite ?
F.C. : Lorsque le magistrat a ordonné qu’une personne devait être privée de liberté et mise à disposition du parquet, celle-ci sera auditionnée par le magistrat de la Permanence, qui doit ensuite prendre une décision. Ces décisions peuvent être notamment les suivantes :

  • il peut l’admonester ;
  • il peut proposer une médiation pénale ;
  • il peut la citer à comparaitre et donc la renvoyer vers un tribunal pour qu’elle y soit jugée rapidement (procédure accélérée) ;
  • il peut y avoir une « mise à l’instruction », ce qui veut dire qu’un juge d’instruction est chargé du dossier.

QJ : De quels faits s’agit-il ?
F.C. : Il peut s’agir de violences conjugales ou intrafamiliales, de vols avec effraction, de stupéfiants, d’assassinats ou de meurtres, de vols avec violences, de viols, de coups et blessures, etc. Tout le code pénal ou à peu près !

QJ : Si le magistrat décide faire une procédure accélérée, les décisions sont-elles rapidement prises ?
F.C. : Oui, la volonté du parquet de Bruxelles, lorsqu’il a créé ce service « Permanence », était de donner une réponse judiciaire rapide à des infractions pour lesquelles aucun devoir d’enquête (ou très peu) n’est nécessaire : par exemple les infractions commises en flagrant délit, celles où aucune contestation n’est possible ou encore lorsqu’il y a des aveux, des témoins… Ces affaires passent devant le tribunal correctionnel dans le mois. Il existe actuellement trois audiences par semaine qui sont dédiées à ces procédures et les jugements sont prononcés également très rapidement.

QJ : Il y a donc toujours, obligatoirement, une suite après votre contact ?
F.C. : Oui mais, attention, ce n’est pas forcément une arrestation, une mise à disposition, un renvoi devant un tribunal… Ce peut être aussi de relacher l’intéressé car les faits qu’il a commis sont peu graves ou ne nécessitent pas de suite vu leur nature.
Par contre, nous avons des priorités : par exemple des faits de violence intra-familiale seront toujours prioritaires.

QJ : Quel est le plus compliqué, dans votre métier ?
F.C. : C’est un métier passionnant mais l’urgence est permanente et la quantité, la masse d’affaires est très importante ; la combinaison de ces deux éléments crée la difficulté ! Vous sortez de là lessivé ! Il faut pouvoir tenir le coup, nerveusement et physiquement !

QJ : Un métier passionnant, pourquoi ?
F.C. : On est au cœur de l’humanité, on touche à ce qu’il y a de plus noir, de plus difficile, de plus inhumain, parfois… Mais, si on n’y croyait pas, on ne le ferait pas. Il y a des auteurs mais aussi des victimes et, là, on a envie de justice, tout simplement. Il y a évidemment l’application des règles de droit mais pas seulement. C’est un métier qui mêle le juridique et l’humain et je trouve cela très intéressant.

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