Pour le moment, de nombreux articles, de multiples informations et quantités de commentaires circulent concernant les violences faites aux femmes et la manière dont la justice est rendue. Et souvent, on entend des réactions comme : « La justice ne fait rien ! » ou « Les victimes ne sont jamais écoutées » ou encore : « On a cru l’auteur, pas la victime ».
Essayons d’y voir clair !
Mots-clés associés à cet article : Présomption d’innocence , Classement sans suite , Doute , Prescription , Erreur judiciaire
Disons d’abord que la justice, nécessairement, peut être imparfaite, faillible. Elle peut se tromper puisqu’elle est rendue par des hommes et des femmes qui ont, comme tout le monde, leurs qualités et leurs défauts.
Un rapport du Conseil supérieur de la justice précise aussi que « tous les experts s’accordent sur le fait que les victimes pourraient être mieux accueillies et prises en charge, que ce soit avant, pendant ou après une audience ».
Rappelons ensuite quelques principes du droit.
Toujours, la présomption d’innocence
Au départ d’une accusation, d’un fait, toute personne suspectée bénéficie toujours de la présomption d’innocence. Présomption signifie supposition : donc peut-être cette personne est-elle coupable, mais peut-être est-elle innocente. Tout suspect, même s’il est en aveu, même s’il a été pris sur le fait, est donc bien présumé, supposé innocent. Il ne sera pas condamné sans preuves établies qu’il est bien l’auteur de l’infraction.
« La présomption d’innocence vient aussi rappeler quotidiennement aux juges et aux policiers qu’on ne peut pas s’arrêter aux apparences, mais qu’il faut mener une enquête en profondeur en vue de dégager la vérité, quelle qu’elle soit » (Jean-Pierre Borloo et Damien Vandermeersch, La justice pénale en Belgique, Éd. Luc Pire). C’est, disent encore les mêmes auteurs, un « garde-fou contre l’erreur judiciaire ».
Et si ce n’est pas le cas, si des preuves suffisantes ne sont pas établies ?
En cas de doute ?
C’est alors un autre principe du droit qui entre en jeu : s’il y a doute sur la culpabilité d’un accusé, il ne peut pas être condamné. En effet, après avoir examiné l’ensemble des preuves, un juge ne peut condamner un inculpé que si sa culpabilité est démontrée « au-delà de tout doute raisonnable » que celui-ci est coupable.
Si les preuves ne sont pas suffisantes, si le doute subsiste, il doit alors y avoir acquittement parce que le doute doit profiter à l’accusé.
Mais, même avant qu’il y ait un procès, dès l’information pénale, donc dès que le procureur prend un dossier en compte, il peut se rendre compte qu’il n’existe pas de preuves de culpabilité suffisantes, que des doutes existent sur cette culpabilité. Il peut alors déjà « classer sans suite » et il n’y aura de procès. Accusé et victime ne devront pas se présenter devant un tribunal parce que la procédure aboutirait toujours à cette conclusion : « il y a un doute, ce n’est pas prouvé, alors il faut acquitter ». Si ce doute est réel dès l’enquête, faut-il alors imposer aux personnes concernées de vivre des moments souvent pénibles ? Elles risquent en effet de se voir renvoyer l’une et l’autre parce que les preuves de culpabilité n’existent pas ou sont insuffisantes. Parfois donc, la justice ne peut pas condamner et elle doit donc alors acquitter la personne poursuivie. Sinon, c’est la porte ouverte à de graves erreurs judiciaires, ce qui est l’échec suprême de la Justice
Mais un classement sans suite ne signifie pas une « mise à la poubelle ». C’est une décision provisoire : qui dit que, pour le moment, il n’y a pas assez d’éléments pour permettre un jugement. Par contre, si de nouveaux éléments apparaissent, le dossier peut être rouvert. Le procureur peut lui-même revoir sa décision et rouvrir le dossier (par exemple lorsque le suspect a commis de nouvelles infractions)
Trop tard parfois
Des infractions peuvent ne pas être connues de la justice lorsqu’elles se produisent mais être révélées des années plus tard. Or, avec le temps qui passe, la justice devient plus difficile à rendre, notamment parce que les preuves de l’infraction n’existent peut-être plus, parce que les témoins risquent d’avoir des souvenirs moins précis, etc.
C’est ce qui explique que des faits, même très graves, ne peuvent plus être jugés après un certain nombre d’années : cela s’appelle la prescription.
Le délai de prescription est différent en fonction de l’infraction. Un exemple : en Belgique, actuellement, ce délai est de dix ans pour les viols et les infractions sexuelles graves si la victime est majeure. Par contre, le viol et les infractions sexuelles graves sur des mineurs sont devenus des infractions imprescriptibles depuis le 30 janvier 2019. Cette imprescriptibilité permet à des victimes ayant subi des violences sexuelles lorsqu’elles étaient enfants et n’ayant pas pu ou su en parler, ni à l’époque ni dans les années ultérieures, de porter plainte aujourd’hui.
En conclusion
Classement sans suite, présomption d’innocence, prescription… nous voyons que la justice doit respecter à la fois principes et procédures. Il arrive donc qu’elle ne puisse pas conduire à un procès et à une condamnation, ce que le public imagine être son travail. Cela ne signifie pourtant pas d’office qu’elle est insensible à certains drames.
« La justice ne fait rien ! » : qu’en penser ?
4 octobre 2024
VHD
Bonjour, question...
J’ai été victime d’abus sexuel durant mon enfance, dans le monde adulte, je me suis retrouvé harcelé... signalement a la police et même au parquet ... rien...
Que faire quand ces harceleurs ont profité de moi, à me faire des choses sous la contraite et que si je parlais il me menaçait de raconter ma vie privé en me faisant passer comme la personne qui m’a agressé sexuel... donc j’ai gardé le silence pendant plus de 20ans...
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