L’actualité commentée

Avril 2018

L’affaire Cambridge-Analytica

Le 16 avril 2018

Un jeune informaticien canadien, Christopher Wylie, est à l’origine des incroyables révélations sur la société Cambridge Analytica. Ce scandale met en difficulté des entreprises de renommée mondiale, comme Facebook, au point que son patron, Mark Zuckerberg, a été sommé de s’expliquer devant les parlementaires britanniques et de présenter des excuses publiques.
De quoi s’agit-il ?

Mots-clés associés à cet article : Facebook , LuxLeaks , Lanceur d’alerte , Cambridge-Analytica

L’affaire Cambridge-Analytica.

Alors qu’il a commencé à travailler pour la société Cambridge Analytica, le jeune génie de l’informatique découvre progressivement qu’il travaillait pour une société qui utilisait les données personnelles de millions de personnes sur Facebook avec pour objectif de manipuler les élections à travers le monde. Derrière cette société se cachait un certain Steve Bannon, et il lançait sur Internet les théories du complot pour promouvoir l’« alt-right », c’est-à-dire des mouvements d’extrême droite américains.
On s’est aperçu que Cambridge Analytica a permis d’aider Donald Trump lors de la campagne présidentielle américaine et a favorisé le Brexit au Royaume-Uni.
Christopher Wylie a décidé de parler. Il est devenu un lanceur d’alerte.
Voyons ce que signifient ces termes, inconnus il y a quelques dizaines d’années.

Que signifie « lanceur d’alerte » ?

Une alerte, c’est le signal d’un tout prochain danger. Un lanceur d’alerte, c’est une ou des personnes qui pensent avoir découvert des informations annonçant un danger pour les hommes, la société, le monde et qui rend ces informations publiques, sans en tirer un profit personnel. Le danger peut concerner la santé, l’environnement, l’économie, les libertés individuelles, etc.
Quand un lanceur d’alerte révèle des infos concernant une entreprise ou une association, il se met en danger puisque ces infos, auparavant inconnues, peuvent nuire aux intérêts de cette entreprise ou de cette association.
Prenons un exemple simple : si un employé d’une usine pharmaceutique rend publiques des infos concernant les dangers cachés d’un médicament, cela risque de faire du tort à l’entreprise. Cet homme n’est pas un espion introduit dans une entreprise pour y voler des renseignements au profit d’une autre firme. C’est un travailleur de l’entreprise qui y découvre ce qu’il estime dangereux pour l’intérêt général et le rend public. Il ne respecte donc ni le secret professionnel ni l’intérêt de son entreprise et se rend coupable de vols. Le plus important pour lui est de faire connaitre le danger et, pour cela, il prend le risque d’être pénalisé, trainé et peut-être même condamné en justice, voire licencié.

Des critères

Jusqu’à présent, il n’existe pas de loi concernant précisément les lanceurs d’alerte. Toutefois, la Cour européenne des droits de l’homme a, à plusieurs reprises, rendu des arrêts à ce sujet. Il existe donc une jurisprudence sur laquelle les juges peuvent s’appuyer.
La Cour européenne des droits de l’homme estime qu’il s’agit bien d’un lanceur d’alerte quand cinq critères sont rencontrés :

  • l’information est authentique ;
  • elle sert l’intérêt général, a un réel intérêt public ;
  • toutes les possibilités de faire connaitre autrement ces infos ont été épuisées ;
  • l’intérêt de ces infos est supérieur au préjudice causé à l’entreprise ou l’association ;
  • l’information est divulguée et diffusée de bonne foi.

Un droit dérivant d’autres droits

Il n’existe pas un « droit d’alerter ». Quand elle juge, la Cour européenne des droits de l’homme se base sur l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme consacrant le droit à la liberté d’expression et le droit à l’information. En quelque sorte, il existe un « droit d’alerter » parce qu’il existe un droit d’informer.
La reconnaissance du droit d’alerter devrait mener à la protection du lanceur d’alerte. D’où le cadre juridique (ci-dessus) établi par la Cour européenne des droits de l’homme.

Un précédent : l’affaire LuxLeaks

Les lanceurs d’alerte se déploient depuis quelques mois. Une autre affaire avait déjà fait parler d’elle l’an passé : celle du LuxLeaks, auquel Questions-Justice a consacré un article le 7 avril dernier (« Lanceur d’alerte »).

Dans celle-ci, deux lanceurs d’alerte Antoine Deltour et Raphaël Halet ont été condamnés, en première instance, à douze et neuf mois de prison avec sursis, et à 1.500 euros d’amende pour avoir donné des informations sur un mécanisme d’évasion fiscale au Luxembourg.
Même si les infos diffusées étaient d’intérêt général, les deux hommes, selon les juges, n’avaient pas le droit de violer le secret des affaires et le secret professionnel. Ils étaient poursuivis en même temps qu’un journaliste, qui a été acquitté. Il n’est pas tenu au secret d’affaires d’une entreprise dans laquelle il ne travaille pas. Il se contente de divulguer les informations qu’il a recueillies.
En appel, les peines ont été modifiées : Antoine Deltour écope de six mois de prison et de 1.500 euros d’amende. Raphaël Halet n’a plus que 1 000 euros d’amende.

Sources : Le Monde, 26 mars 2018 - La Libre Belgique, 27 mars 2018 - Revue des droits de l’homme, 10/2016.

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