L’actualité commentée

Janvier 2019

Héberger des migrants : solidarité ou trafic ?

Le 31 janvier 2019

Douze personnes ont récemment comparu devant le tribunal correctionnel de Bruxelles. On leur reprochait d’avoir aidé des trafiquants, chacune à leur manière, à transporter des migrants depuis des parkings autoroutiers belges vers l’Angleterre. Elles étaient jugées pour trafic d’êtres humains et participation à une organisation criminelle.

Image @ Paris-Match

Ces personnes, réunies pour un même procès, étaient cependant dans des situations différentes : il s’agissait de huit étrangers, en séjour irrégulier en Belgique et de quatre citoyens belges ayant hébergé des migrants, dont deux journalistes féminines, un assistant social et une autre femme.

Que dit la loi ?

Brièvement dit, la loi punit celui qui permet à une personne dans l’illégalité d’entrer, de passer ou de résider en Belgique pour en retirer un bénéfice « patrimonial ». Autrement dit, pour qu’il y ait infraction, cette personne doit avoir obtenu un avantage matériel en échange de l’aide apportée (article 77bis de la loi du 15 décembre 1980).
Pour qu’elle soit condamnée en tant qu’auteur de trafic d’êtres humains, il faut donc prouver qu’elle a bien reçu cet « avantage patrimonial » direct ou indirect. Mais la loi ne spécifie pas ce qu’est un « avantage patrimonial » donc, chaque juge peut avoir son appréciation personnelle.
À côté des auteurs de trafic d’êtres humains, on peut retrouver un participant à l’infraction, c’est-à-dire quelqu’un qui donne une aide indispensable à l’auteur, mais sans avoir commis véritablement l’infraction. Pour condamner un participant à ce trafic d’êtres humains et non un auteur de celui-ci, il ne faut pas prouver qu’il y a eu un avantage patrimonial.
Les quatre hébergeurs étaient jugés en tant que participants à un trafic d’êtres humains et non comme auteurs de celui-ci. Il était admis qu’ils n’avaient retiré aucun avantage de leur comportement vis-à-vis des migrants.

Huit étrangers condamnés

Tout d’abord, le tribunal a pris en compte le cas des huit étrangers en séjour illégal. Il a examiné l’implication de chacun d’eux dans le trafic d’êtres humains et l’association de malfaiteurs.
Le 12 décembre 2018, le tribunal les a condamnés pour trafic d’êtres humains et participation à une association de malfaiteurs. Il les a jugé coupables d’avoir joué un rôle pour l’organisation de ces voyages illégaux : ils ont amené les migrants d’une gare à un parking, ouvert et fermé les portes des camions, aidé à monter dans ces camions, se sont renseignés sur les parkings concernés ou encore, ont collecté de l’argent. Certains nient avoir été payés en échange de leur service et le tribunal a reconnu ne pas pouvoir le prouver. Cependant, il considère que ces hommes ont, au minimum, eu la promesse de passer à leur tour en Angleterre, gratuitement ou à moindres frais. Le tribunal juge que cette promesse peut être considérée comme un « avantage patrimonial ».

Quatre hébergeurs innocentés

Les quatre hébergeurs sont acquittés. Ils n’avaient, dit le jugement, aucune volonté de s’enrichir mais agissaient par « engagement social fort ». Ils se sont montrés solidaires de personnes en difficulté, en leur donnant du temps, de l’argent, de la nourriture, des vêtements, du logement, des médicaments, etc. Ni leurs comportements ni l’aide apportée involontairement ou inconsciemment à un trafic de migrants (prêt d’un téléphone, d’un ordinateur, fourniture de renseignements concernant un parking, etc.) ne peuvent être considérés comme une participation au trafic d’êtres humains.

Que retenir de ces décisions ?

Premier constat : les quatre hébergeurs sont acquittés parce qu’il est reconnu qu’ils ont agi sans avoir conscience qu’ils participaient à un trafic d’êtres humains. Mais ce jugement ne répond pas à d’autres questions par exemple : quel serait le cas d’un hébergeur qui prêterait, en connaissance de cause, du matériel pour organiser un transport vers l’Angleterre ? Ou qui déposerait l’étranger qu’il héberge sur un parking pour lui permettre de l’atteindre ? Il semble que cet hébergeur pourrait peut-être être condamné.
Deuxièmement, le tribunal interprète très largement ce que la loi appelle un « avantage patrimonial » : selon lui, il n’est pas nécessairement question d’argent ou de bien matériel puisqu’une promesse de voyage vers l’Angleterre en échange d’une aide est considérée comme un « avantage patrimonial ».

Conclusions

La décision de l’acquittement des hébergeurs est importante mais elle n’exclut pas la possibilité de criminaliser (c’est-à-dire de considérer comme auteurs d’une infraction) ceux qui auraient aidé à l’entrée, au passage ou au séjour d’étrangers en séjour irrégulier, avec la seule intention de les aider.
Il est donc urgent de revoir les textes de loi pour préciser leur contenu, pour que des personnes intervenant uniquement par solidarité avec des étrangers en situation irrégulière ne puissent plus être poursuivies par la justice.

Le 12 janvier 2019, le parquet de Bruxelles (ici, le procureur général) a décidé de faire appel au jugement des quatre hébergeurs.

Source : Christelle Macq, « Procès des hébergeurs : hébergeurs acquittés, migrants condamnés »

Commentaires

  1. Héberger des migrants : solidarité ou trafic ?

    1er février 2019

    Michel Schobbens

    Je suis d’accord avec les jugements rendus vis-à-vis des hébergeurs.
    Si c’est pour aider les migrants à survivre décemment, pas de problème.
    Si c’est pour s’enrichir en participant à un trafic illégal, il faut des sanctions
    sévères.

  2. Héberger des migrants : solidarité ou trafic ?

    1er février 2019

    GeorgesOE

    la solidarité doit faire fi de toute discrimination. En l’occurrence les hébergeurs/transporteurs ciblent leurs « clients » et leurs actions, notamment, en ne s’occupant que d’étrangers, et encore, de certains étrangers. Cet engagement est, aussi, politique en ce sens qu’il est destiné à contester l’Etat démocratique de droit et a en tirer des avantages sociétaux, notamment « d’étiquettes », permettant à ces personnes « engagées » de tirer moultes avantages sociétaux, notamment via les médias. Les « associations » auxquelles elles participes en tirent d’ailleurs des avantages non négligeables et quantifiables . A ce titre, l’appel est plus que probant . D’autre part, la Justice aurait également pu poursuive pour discrimination. Il est ainsi étrange qu’UNIA n’ait pas initié de telles poursuites !

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