Des agresseurs détenus rencontrent des victimes de violences ! Des victimes se retrouvent face à des délinquants qui ne sont pas leurs agresseurs, mais ont commis le même genre d’infraction. Et ce n’est pas par hasard, non, la démarche des uns et des autres est volontaire.
Mots-clés associés à cet article : Détenu , Victime , Infraction , Cinéma , Prisonnier , Violence , Médiation pénale , Justice restaurative , Justice restauratrice , Je verrai toujours vos visages , Délinquant
Elle est longuement préparée puis encadrée par des professionnels et des bénévoles de la justice restaurative, telle qu’elle est pratiquée en France. Voilà le sujet, totalement inattendu au cinéma, de « Je verrai toujours vos visages ». Solidement documenté, interpelant certes, mais aussi passionnant et émouvant, ce film est réalisé par Jeanne Herry.
Des démarches collectives ou individuelles
Ils sont assis en cercle : Nassim, Issa et Thomas, condamnés pour vols avec violence, en face de Grégoire, Nawele et Sabine, victimes de vol à l’arraché, de homejacking et de braquage. Entre eux, les professionnels et bénévoles de la justice restaurative.
L’on découvre aussi Chloé, violée par un frère revenu dans sa ville après la prison. Elle veut le rencontrer avec des questions et des demandes précises.
Ainsi sont mis en scène deux dispositifs différents de « restauration » : cercle de rencontre-table ronde ou médiation. Que le processus soit collectif ou individuel, tout ce qui s’y dit est confidentiel.
Se dire. Être écouté
Les différentes personnes se présentent, racontent leur parcours, se répondent et débattent. Les victimes expliquent combien leur vie a changé depuis l’agression, comment elles ne peuvent en dépasser les répercussions : elles parlent d’angoisse, de peurs et de colère, d’un certain isolement parfois. Peur d’être reconnue par ses agresseurs, peur de sortir de chez elle, peur que tout recommence. Incompréhension aussi face à ces actes barbares. Les agresseurs disent leur besoin d’argent, leur entourage, leurs difficultés quotidiennes, notamment à trouver du travail... Par exemple, Nassim explique clairement ce qui lui importe au moment des faits : quand on fait un homejacking, on ne pense pas aux gens, seulement à trouver l’argent, les cartes de banque, les codes ! Issa, lui, insiste sur l’idée qu’il n’a pas vraiment choisi, qu’il s’est laissé faire, … ce qui fait vigoureusement réagir Nawele : donc, tu n’es responsable de rien du tout, c’est toujours les autres !
Parfois un silence, éloquent, prête à réflexion. L’écoute permanente des uns et des autres impressionne.
Des professionnels formés
À côté des victimes et des agresseurs, on découvre d’autres participants, eux aussi impliqués – différemment - dans la démarche : ce sont les professionnels formés à ces techniques complexes, très impliqués et pourtant capables de prendre la distance nécessaire. Des professionnels qui se soutiennent et se questionnent : faut-il, par exemple, après de nombreuses séances individuelles avec le frère et la sœur, organiser leur rencontre ? Et si elle faisait plus de mal que de bien ? Aucune démarche n’est simple ni évidente.
Quand ces professionnels présentent la justice restaurative, ils parlent d’« un sport de combat » !
Pas à pas
Les récits des participants ne sont pas illustrés et chacun des protagonistes du cercle reste assis, à sa place, se lève seulement pour prendre le bâton qui permet la prise de parole. Quelques brefs déplacements concernent les professionnels ou Chloé, la jeune femme en médiation. Et pourtant le film est vivant ! Les mots, les gestes, les attitudes, les émotions parlent, racontent les faits et les vies.
Au fil des rencontres, l’atmosphère change. Les sourires apparaissent, les tensions sont moins présentes. Les paroles des victimes permettent aux prisonniers de prendre conscience de ce que provoque leur acte ; les paroles des détenus aident les victimes à se reconstruire… Ce ne sont pas des bavardages mais des échanges de mots chargés d’émotion, bouleversants.
On sort de la séance avec une conviction réconfortante : les humains peuvent évoluer, les paroles ont du poids quand elles sont entendues, écoutées. Créer, recréer un lien permet cette réparation que tous espèrent en entreprenant cette difficile démarche.
Enfin, et l’apport est loin d’être négligeable, le casting réunit des comédiens connus, au service du film et de son thème complexe et attachant : Adèle Exarchopoulos, Dali Benssalah, Leïla Bekhti, Élodie Bouchez, Gilles Lellouche, Miou-Miou, Jean-Pierre Darroussin.
En Belgique ?
Dans notre pays, où l’on parle plutôt de justice restauratrice, celle-ci est peu connue du grand public. Elle a été mise sur pied plus tôt qu’en France, lors de la création de la médiation pénale dans les années ‘90.
Commentaires
Il n'y a encore aucun commentaire sur cet article. Soyez le premier à réagir!