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Élections : difficile de voter pour les détenus !

Comment mieux faire ?

Le 2 juin 2024

Le 9 juin 2024 auront lieu les élections des parlements régionaux, fédéraux et européen. Le 13 octobre suivant, ce sera le tour des élections communales et provinciales. Tous les Belges de plus de 18 ans (1 pour les élections européennes) sont donc appelés à voter.
Tous ! Donc ce n’est pas parce qu’une personne est en prison qu’elle n’a pas ce droit. Elle n’en est privée que si elle en a été déchue du droit de vote lors d’une condamnation pour une gravissime infraction.

Bien compliqué !

Pour la grande majorité des détenus, voter sera cependant très compliqué.
Pourquoi ? Pour une première raison : ils manquent d’informations. En effet, ils n’ont pas d’accès à Internet, ne peuvent donc ainsi s’informer concernant les règles relatives au vote ou le programme des partis ; ils n’ont pas de possibilité de participer à un débat ou à une rencontre avec un parti ou un candidat. Pour s’informer via la télévision, il faut avoir pu payer la location d’un poste, il faut aussi pouvoir choisir ses programmes alors que des codétenus font d’autres choix que l’intéressé.
Pour une deuxième raison : leur convocation électorale peut avoir été envoyée à leur domicile privé ou à défaut, au CPAS de leur dernière commune de résidence. Ces convocations doivent alors être transmises par courrier à la prison, qui les remettra aux personnes concernées.
Enfin pour une raison évidente : un détenu ne peut pas automatiquement sortir de prison pour se rendre au bureau de vote ! C’est seulement possible pour une minorité d’entre eux lorsqu’ils sont en congé pénitentiaire ou qu’ils ont obtenu une autorisation de sortie.
La seule solution pour qu’un détenu puisse exercer son droit de vote, c’est que quelqu’un d’autre vote pour lui. Cette autre personne utilisera alors une procuration, c’est-à-dire un document officiel précisant que ce détenu lui demande de voter à sa place. Mais c’est tout aussi compliqué : il faut obtenir le document adéquat puis trouver la personne à qui donner cette procuration. Ce doit être une personne à laquelle le prisonnier va faire confiance alors que, souvent, les détenus ont justement peu de liens avec l’extérieur. Il faut encore – la loi l’exige – que la personne recevant la procuration vive dans la même circonscription électorale que le détenu. Et enfin, celui-ci doit encore lui fournir, en sus de la procuration, une attestation de détention.

Un constat

Toutes ces difficultés expliquent le constat du Comité central de surveillance pénitentiaire et de la Ligue des droits humains : une majorité des détenus ayant le droit de vote ne l’utilisent pas. Le droit existe bel et bien mais les difficultés pour l’exercer sont telles qu’en réalité c’est un peu comme si ce droit n’existait pas ! Comme si en Belgique, ce droit n’était pas respecté.
Précision : le vote est obligatoire en Belgique mais les détenus qui ne votent pas ne risquent pas de sanctions. Le Code électoral estime qu’ils ont un empêchement légitime lié au peu de moyens mis en place pour leur permettre d’exercer ce droit.

Comment mieux faire ?

Dans un récent avis du 29 avril 2024 ‘relatif au droit de vote des personnes détenues’, le Conseil central de surveillance pénitentiaire(CCSP) souligne différentes possibilités qui pourraient améliorer la situation des détenus lors d’élections. Il informe par exemple des pratiques différentes dans d’autres pays européens :

  • en Allemagne, en Espagne et en France, le vote par correspondance est possible pour les détenus ;
  • aux Pays-Bas, la direction peut fournir des affiches et des dépliants expliquant comment voter ou comment obtenir une procuration ; après trois mois, les personnes détenues sont automatiquement inscrites à l’adresse de l’établissement ;
  • en Espagne, la direction de chaque établissement pénitentiaire informe les détenus sur les élections et les modalités de vote ;
  • en Pologne et en Croatie, des bureaux de votes sont obligatoirement installés dans les établissements pénitentiaires.

Suite à ses constats, la CCSP formule des recommandations au ministre de la justice (par exemple faciliter l’octroi de permissions de sortie ou de congés pénitentiaires), au Parlement et au ministre de l’intérieur (autre exemple : mettre en place le vote par correspondance), aux partis politiques (exemple : faire parvenir leur programme dans toutes les prisons).
Une population oubliée
Lors d’une émission à la RTBF, Manuel Lambert, conseiller juridique à la Ligue des droits humains fait le même constat que le Comité central de surveillance des prisons. Et conclut que « les détenus restent une population oubliée du monde politique ».

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