Mawda, rappelez-vous, c’est le prénom de cette petite fille de deux ans, morte lors de la course poursuite d’une camionnette de migrants par la police, le 17 mai 2018. Elle a été tuée par un coup de feu d’un inspecteur de la police fédérale vers cette camionnette.
Mots-clés associés à cet article : Étranger , Droits de l’enfant , Migrants , Intérêt supérieur de l’enfant , Défense des enfants International (DEI) , Mawda , Migration , Comité des droits de l’enfant
Condamnations
En février 2021, le conducteur de la camionnette a été condamné par le tribunal correctionnel pour délit de fuite. L’inspecteur de police a, lui, été condamné à un an d’emprisonnement avec sursis, pour homicide involontaire. Pas d’accord avec ce jugement, l’inspecteur de la police fédérale et l’État belge se sont adressés à la Cour d’appel. Le 4 novembre 2021, celle-ci a confirmé le jugement mais a réduit la peine d’emprisonnement de l’inspecteur à dix mois, toujours avec sursis.
Les passeurs impliqués dans ce trafic de migrants ont été condamnés par la Cour d’appel de Liège.
Un coupable oublié ?
Pour l’Association Défense des Enfants International (DEI), l’État belge est également coupable de la mort de Mawda, tuée par la balle d’un policier. Pourquoi ? Mais parce que la police dépend de l’État et que l’État organise la lutte contre la migration irrégulière et le trafic d’êtres humains.
DEI veut donc faire reconnaitre la responsabilité de l’État et éviter une répétition du drame de Mawda. Dans ce but, l’association s’est adressée à la justice : on dira qu’elle a cité l’État belge devant la justice.
DEI réclame des dommages et intérêts à l’État, que le jugement soit publié dans les médias et qu’une formation aux droits de l’enfant devienne obligatoire pour les policiers.
Des erreurs, des manquements
Pour DEI, dont la mission est de défendre les droits de l’enfant, ceux-ci n’ont pas été respectés. Pourtant la Belgique a ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant. Celle-ci souligne, par exemple, que tout enfant a droit à la vie et que, dans toutes décisions concernant des enfants, il s’agit de tenir compte de leur intérêt supérieur. Et encore que les États doivent prendre toutes les décisions voulues pour protéger les enfants contre la violence…
Le Comité des droits de l’enfant a précisé ce que signifiait cet « intérêt supérieur ». En bref, on pourrait dire qu’en toutes circonstances, pour toutes décisions, c’est celle qui respecte le mieux l’enfant et son intérêt qui doit être choisie.
DEI pointe douze dysfonctionnements dans la manière dont a été gérée cette course poursuite et ses suites. Parmi ceux-ci, relevons :
- ne pas avoir tenu compte de la présence de cinq enfants migrants dans la camionnette. Ils ont été arrêtés et détenus pendant plusieurs heures, avant d’être relâchés dans la nature ;
- avoir traité le frère de Mawda, quatre ans, et ses parents de manière inhumaine et dégradante en les empêchant d’accompagner Mawda dans l’ambulance puis en les maintenant au cachot pendant plusieurs heures ;
- l’absence de formation des policiers et les problèmes de communication entre les différentes patrouilles concernées.
Un coupable reconnu
Dans son jugement du 17 février 2023, le tribunal considère que l’État belge n’a pas pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant dans sa lutte contre la migration irrégulière et le trafic d’êtres humains. Il n’a pas non plus formé les policiers à garantir la vie des enfants migrants et la prise en compte de leur intérêt supérieur lorsqu’il y a interception de migrants ou opérations pouvant impliquer de la violence.
Actuellement, l’État belge n’a pas pris les décisions nécessaires pour qu’à ‘avenir, les droits fondamentaux des enfants migrants soient correctement respectés.
Décision
Le tribunal condamne finalement l’État belge à un euro symbolique. Il estime inutile la publication du jugement dans les médias parce que celle-ci ne pourrait nullement réparer le préjudice subi.
Par contre, il condamne l’État à « intégrer tant dans la formation initiale que dans la formation continue des services de police, une formation sur les conditions de l’usage de la force et sur la prise en compte primordiale de l’intérêt supérieur de l’enfant, en présence de migrants mineurs d’âge ».
Source : Jugement de la quatrième chambre affaires civiles du tribunal de première instance de Bruxelles. 17 février 2023.
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