Ce 30 novembre 2022 a eu lieu le tirage au sort des jurés appelés à former le jury pour loger les personnes accusées d’avoir commis les attentats de Bruxelles et de Zaventem du 22 mars 2016 ou d’y avoir participé.
C’est l’occasion de préciser ci-dessous comment l’on devient juré et quels sont les droits et les obligations qui sont attachés à cette fonction citoyenne.
Mots-clés associés à cet article : Cour d’assises , Jury , Juré(s) , Attentats de Bruxelles et Zaventem , Procès des attentats de Bruxelles et Zaventem
Un juré à la Cour d’assises, c’est un citoyen tiré au sort pour y siéger. Il participe, aux côtés des magistrats professionnels, au procès des personnes accusées de crime. Comme un juge, il décide, avec l’ensemble du jury (c’est-à-dire des douze jurés), de la culpabilité ou de l’innocence de la personne jugée, ainsi que de la peine éventuelle à infliger à celle-ci.
Mais comment cela pourrait-il être votre cas ?
Au départ, il y a votre commune. Elle possède un registre des citoyens appelés à voter lors des dernières élections législatives ; dans celui-ci, chacun des électeurs y a un numéro. Tous les quatre ans, le bourgmestre, secondé par deux échevins, tire au sort un nombre à deux chiffres. Si votre numéro d’électeur se termine par ces deux chiffres, vous faites partie de la liste préparatoire des personnes qui pourraient devenir juré à la Cour d’assises.
Mais cela ne veut pas dire que vous serez maintenus dans cette liste. Cela ne serait possible que si vous répondiez à différentes conditions :
- être inscrit au registre des électeurs (donc faire partie des personnes qui peuvent voter) ;
- jouir de vos droits civils et politiques (ce ne serait pas le cas si vous en aviez été privé par une condamnation de la justice, pour une infraction extrêmement grave) ;
- avoir 28 ans ou plus et moins de 65 ans ;
- savoir lire et écrire ;
- ne pas avoir été condamné à une peine de prison de plus de quatre mois ou à une peine de travail de plus de soixante heures.
Si vous êtes parlementaire, haut fonctionnaire ou encore magistrat, vous êtes aussi retiré de la liste. C’est encore le cas des militaires s’ils sont en service.
Et si finalement vous faites partie de la liste mise au net ?
Quand une « affaire » est fixée, un tirage au sort des jurés appelés à composer le jury est organisé par le président du tribunal de première instance du chef-lieu de la province. Le nombre de jurés possibles ne peut pas être inférieur à soixante.
Au moins deux jours ouvrables avant le début du procès, les jurés tirés au sort sont appelés devant la Cour d’assises. Le procureur général, l’accusé ou les accusés ou leur avocat, la ou les victime(s) ou leur avocat sont présents.
Chaque juré potentiel est appelé par le président de la Cour d’assises. Il peut lui demander une dispense en en expliquant les raisons. Celles-ci peuvent être médicales (par exemple : impossibilité de rester assis pendant plusieurs heures), familiales (par exemple : une mère allaitante), professionnelles (par exemple : seul ouvrier d’une très petite entreprise) ou personnelles (par exemple :une personne dont un proche a été victime d’un meurtre et qui serait traumatisée de devoir juger des faits identiques).
Le président accepte ou refuse ; il dispense ceux qui ne sont manifestement pas en état d’être jurés.
Les noms des jurés présents sont déposés dans une urne et douze jurés sont à nouveau tirés au sort. Ils formeront le jury.
Le procureur général et l’accusé peuvent refuser un certain nombre de jurés sans toutefois devoir expliquer pourquoi.
Le président peut également récuser certains jurés afin que le jury respecte la parité : deux tiers maximum des jurés doivent être de même sexe.
Les jurés suppléants sont ensuite désignés de la même manière. Ceux-ci peuvent être plus nombreux pour le cas où le procès devant la Cour d’assises durerait très longtemps : cela permet d’être sûr que tous les jurés effectifs amenés à devoir quitter le procès pour une raison ou pour une autre (une maladie par exemple) puissent être remplacés immédiatement sans que l’on doive recommencer tout le procès.
Les membres du jury constitué prêtent alors serment : ils jurent et promettent « d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre X, de ne trahir ni les intérêts de l’accusé, ni ceux de la société qui l’accuse ; de ne communiquer avec personne jusqu’après votre déclaration ; de n’écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l’affection ; de vous décider d’après des preuves et les moyens de défense, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à une personne probe et libre ».
Le premier juré tiré au sort, ou celui désigné par les membres du jury en accord avec ce premier juré, devient chef du jury.
En fin de procès, vous décidez
En fin de procès, les douze jurés, formant donc le jury, décident de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé. Un certain nombre de questions (« L’accusé est-il coupable d’avoir commis l’assassinat de M. à telle date ? ») leur sont posées par le président de la Cour. Ils doivent y répondre seulement par un « oui » ou un « non ». Aucun magistrat n’est présent. Ces votes sont secrets.
La décision du jury doit être prise à la majorité des voix. Si autant de jurés ont répondu « oui » que de jurés ont répondu « non », la cour acquitte l’accusé. Si l’accusé est déclaré coupable par sept voix contre cinq, la cour (donc les trois juges professionnels) délibère. Si la majorité de la cour n’est pas d’accord avec le jury, l’accusé est acquitté.
Un nouveau débat a alors lieu, concernant la peine. Le jury en délibère avec les trois juges professionnels. Les avocats et le ministère public donnent leur point de vue. La décision doit alors être prise à la majorité absolue. Puisqu’il y a douze jurés et trois juges, la majorité absolue doit être d’au moins huit votes.
Vous êtes juré, vous avez des droits
Avant le procès, les jurés suivent une formation pendant laquelle ils sont informés du déroulement d’un procès d’assises, de ce qui leur est demandé, de leurs droits et de leurs devoirs.
Les jurés ont le droit :
- de recevoir une copie de l’acte d’accusation ;
- de poser des questions aux témoins et à l’accusé, via le président ;
- de prendre des notes, sans interrompre les débats ;
- d’être indemnisés.
Vous avez aussi des devoirs
Tout d’abord, vous devez impérativement être présent tout au long du procès et cela, que vous soyez membre effectif ou suppléant. Vous devez donc suspendre toute activité professionnelle.
Vous avez aussi :
- un devoir d’attention : vous devez suivre attentivement les débats (si ce n’est manifestement pas le cas, le président ou l’une des parties peut demander votre remplacement par un suppléant) ;
- un devoir d’impartialité : impartial signifie juste, neutre, sans parti pris (vous ne devez donc jamais donner votre avis ni le laisser transparaitre, que ce soit concernant l’accusé ou sa culpabilité, un témoignage, un élément de preuve ou une victime) ;
- un devoir de discrétion : il n’est pas question que vous ayez des contacts avec les médias ou que vous vous laissiez influencer par qui que ce soit.
Vous serez indemnisé
Votre manque à gagner sera indemnisé pendant la session de la Cour d’assises à laquelle vous participerez en qualité de juré. Les modalités de cette indemnisation diffèrent selon que vous êtes salarié ou indépendant mais vous avez droit en tout cas à 48,78 euros (selon le tarif actuellement appicable) pour chacun des cinq premiers jours pendant lesquels ils ont siégé ou assisté aux débats.
Au-delà de ces cinq premiers jours :
comme salarié, c’est en fonction de votre rémunération que vous serez indemnisé, soit via votre employeur s’il a maintenu votre rémunération, soit directement à votre profit dans l’hypothèse inverse ;
comme indépendant, votre indemnité quotidienne est d’1/220ème de votre revenu professionnel net figurant sur votre dernier avertissemen-extrait de rôle, à majorer des montants y afférents versés pour la sécurité sociale.
Vous serez nourris et parfois logés. Vos frais de déplacement sont pris en charge par l’État selon un tarif préétabli fixé actuellement à 0,5824 euros.
Votre emploi est protégé, un employeur ne pouvant pas refuser que son travailleur soit juré dans une cour d’assises. Il ne peut pas non plus le licencier pour cette raison.
Être juré, un devoir citoyen
Être désigné comme juré, c’est la possibilité offerte à un citoyen de participer au fonctionnement de la justice, du pouvoir judiciaire, de l’État. À côté du droit de vote, c’est une unique occasion de prester, d’accomplir, de remplir un devoir de citoyen.
Sources :
Sylvie Callewaert, « Comment devient-on juré à la Cour d’assises ? Est-on tenu d’y siéger ? » (13 septembre 2011)
« La Cour d’assises », brochure du SPF Justice
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