En 2017, Madame Pindo Mulla a dû subir une intervention chirurgicale en Espagne. Elle est membre des Témoins de Jéhovah, un groupe religieux dont les règles sont très strictes. Par exemple, les Témoins de Jéhovah refusent catégoriquement les transfusions sanguines. Avant son opération, Madame Pinto Mulla a donc clairement signalé qu’elle ne voulait aucune transfusion de sang et cela, même si sa vie était en danger. Elle l’a précisé en remplissant trois documents différents.
Mots-clés associés à cet article : Vie privée , Droit au respect de la vie privée , Santé , Liberté de religion , Droit à la vie , Protection de la vie privée , Droit à la santé , Vie , Consentement , Témoin de Jéhovah , Transfusion sanguine
Les faits
Cette dame a été d’abord été admise dans un premier hôpital, puis transportée dans un autre, à Madrid, parce qu’elle faisait une hémorragie.
Comme ils avaient appris qu’elle était témoin de Jéhovah, les anesthésistes contactèrent la juge de permanence pour savoir ce qu’ils devaient faire à son arrivée. Cette juge ne connaissant ni l’identité de la patiente ni ses souhaits sur le plan médical demanda l’avis d’un médecin légiste et d’une procureure locale. Sur base de leurs avis, elle autorisa pour cette personne « toutes les mesures médicales ou chirurgicales nécessaires à la sauvegarde de sa vie et de son intégrité physique ». Vu l’urgence, la procédure habituelle, qui demande le consentement de la patiente, n’a pas été respectée.
L’opération a eu lieu sous anesthésie générale et l’état de Madame Pindo Mulla nécessita trois transfusions de globules rouges.
Elle n’en fut informée que le jour suivant et s’adressa à la justice par principe, pour « obtenir l’annulation de la décision prise par la juge », sans doute pour obtenir ensuite une réparation à la suite de la décision prise par la juge.
Les tribunaux espagnols rejetèrent sa demande.
Madame Pindo Mulla s’adressa alors à la Cour européenne des droits de l’homme parce qu’elle estimait que ses droits au respect de la vie privée et à la liberté de religion n’avaient pas été respectés par l’Espagne. Or ces droits sont protégés par la Convention européenne des droits de l’homme.
Deux droits s’opposent
La Cour constate d’abord que le fait de ne pas avoir tenu compte du droit au respect de la vie privée avait un but légitime, celui de la protection de la santé. Elle s’interroge ensuite : une raison justifierait-elle ce non-respect ? Pour qu’il y ait restriction du droit au respect de la vie privée, il faut qu’il y ait « une nécessité ».
La Cour précise alors que le respect de l’autonomie personnelle est notamment protégé par « la règle universellement reconnue du consentement libre et éclairé » des patients (ce qui relève de leur vie privée). En même temps, elle rappelle que prendre les mesures nécessaires pour sauver une vie est une obligation des États.
Elle se trouvait face à deux droits apparemment contradictoires : le droit au respect de la vie privée et le droit à la vie qui entraine l’obligation de sauver des vies. Habituellement, dans ce cas, la Cour met en balance les deux droits et essaie de trouver un équilibre.
De l’importance du consentement
Plutôt que de s’attarder à la balance nécessaire entre ces deux droits, la Cour s’est surtout intéressée à la manière dont la décision de recourir à tous les moyens nécessaires pour sauver la vie avait été prise. Elle constate alors que les informations données à la juge de permanence ont été à la fois très limitées et incomplètes. Les informations concernant les souhaits de la patiente qui avaient été consignées par écrit, sous différentes formes, à différents moments, ne lui avaient pas été transmises. C’est en fait la procédure pour prendre en compte le souhait du patient qui est considérée comme insuffisante.
En conclusion, la Cour estime que l’article 8 de la Convention, celui du droit au respect de la vie privée, combiné avec l’article 9 (droit à la liberté de religion) n’a pas été respecté, mais c’est la procédure pour prendre en compte le souhait du patient qui est considérée comme insuffisante.
Elle condamne l’État espagnol à payer 12.000 € de dommage moral et 14.000 € pour les frais liés aux différentes démarches de Madame Pindo Mulla.
Cet arrêt rappelle clairement l’importance primordiale du consentement du patient quand il s’agit de soins de santé.
La Cour européenne des droits de l’homme et le consentement à la transfusion sanguine d’un Témoin de Jéhovah
1er novembre 2024
aisyah
Cet arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme souligne l’importance cruciale du consentement éclairé des patients dans les décisions médicales, même en situation d’urgence, afin de respecter leurs droits fondamentaux. PTS Terbaik
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