L’actualité commentée

Mai 2019

Le père « intentionnel » est le père légal !

La Cour constitutionnelle l’affirme

Le 22 mai 2019

Madame X et Monsieur Y vivaient ensemble sans être mariés. Ils souhaitaient avoir un enfant et, pour différentes raisons, ont dû recourir à une procréation médicale assistée (PMA), avec don de sperme.

Madame X et Monsieur Y se sont donc adressés à un Centre de fécondation artificielle. Madame X a été inséminée avec le sperme d’un donneur (toujours anonyme en Belgique)
mais Monsieur Y est mort avant la naissance du bébé. Il n’a donc pas pu le reconnaitre comme son enfant.

Pour la loi belge

Madame X s’est alors adressée au Tribunal de la famille de Mons. Elle lui a demandé de reconnaître son compagnon décédé comme le père de cet enfant.
Le Tribunal de la famille ne pouvait pas accéder à cette demande. En effet, selon le Code civil belge, un juge ne peut reconnaitre la paternité d’un homme que s’il est bien le père biologique de l’enfant. Ce qui n’est pas le cas de Monsieur Y puisque le couple a eu recours au sperme d’un donneur. Dans ce cas, l’enfant n’aurait, légalement, pas de père puisque son père « intentionnel » ne pouvait être reconnu.
Le Tribunal, constatant alors la situation, en quelque sorte boiteuse, dans laquelle se trouvait cet enfant, s’est adressé à la Cour constitutionnelle et lui a posé une question : est-il acceptable que cet enfant reste dans cette situation bancale, cela est-il bien conforme à la Constitution ?

Pour la Cour constitutionnelle

Dans son arrêt du 7 février 2019, la Cour a tranché. Elle a affirmé que l’enfant né d’un don de sperme et dont le père est mort avant sa naissance, doit pouvoir être reconnu comme l’enfant de ses deux parents « intentionnels ». Dit en termes juridiques : il doit pouvoir jouir d’un lien de filiation à leur égard. Il existe bien une règle qui dit que cette filiation ne peut être établie que pour le père biologique mais celle-ci n’est valable que pour les enfants procréés naturellement. Elle ne peut pas être appliquée aux enfants nés par PMA avec don de sperme.

Pourquoi ?

La Cour constitutionnelle justifie son arrêt.
Selon la Constitution et selon la Convention relative aux droits de l’enfant, l’intérêt de l’enfant est toujours la priorité. Son intérêt, sauf situation exceptionnelle, est bien d’avoir deux parents. Tenir seulement compte d’un lien biologique pour établir la filiation paternelle ne respecte donc pas l’intérêt prioritaire de l’enfant ni sa vie privée et familiale.
La Cour constitutionnelle avance un autre argument : sans reconnaissance de leur père intentionnel, ces enfants nés d’une PMA avec donneur de sperme mais dont le père est décédé avant la naissance, seraient discriminés par rapport à d’autres catégories d’enfants.
En effet, les enfants nés d’une PMA réalisée avec le sperme du partenaire de la mère, ont un lien biologique avec ce père. Leur filiation paternelle est donc reconnue, même si ce père est décédé.
La double filiation d’autres enfants, nés dans un couple lesbien, d’une PMA avec don de sperme, est également reconnue, même en cas de décès prématuré de la coparente. Dans cette situation, le tribunal prend en compte le fait que cette coparente a consenti à la PMA.
En conclusion, disons que la Cour estime qu’il n’y a pas de raison de faire une différence entre enfants en fonction de la manière dont ils ont été conçus ou de l’orientation sexuelle de leurs parents.
Autrement dit encore : la règle disant que la filiation paternelle exige ici un lien biologique est inconstitutionnelle.

À l’avenir…

L’arrêt de la Cour constitutionnelle permet donc au tribunal de la famille de Mons de répondre positivement à la demande de Madame X : Monsieur Y, père intentionnel de l’enfant est bien son père légal.
Dans une situation similaire, d’autres tribunaux pourront réagir de la même manière.
À l’avenir, la meilleure solution serait sans doute de modifier les règles concernant la filiation et de reconnaitre que la filiation d’un enfant né par PMA est toujours basée sur la volonté de devenir parents. Cette volonté est d’ailleurs clairement actée dans la convention passée avec un centre de fécondation, et ce, qu’il soit ou non fait appel à un donneur.

Source : « Un enfant procréé grâce à un don de sperme a le droit de bénéficier d’un lien de filiation à l’égard de son père intentionnel décédé » - Geoffrey Willems

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